Nous vous avons déjà parlé de Maître Alligné, cet avocat spécialisé en droit de l’animal qui conseille et intervient devant les tribunaux comme représentant des associations de défense de l’animal mais qui s’occupe également des particuliers. Je lui ai donc soumis le scénario ci-dessous, et il semble que j’aie eu le nez creux et donc l’imagination fertile, en effet ce type de problème se pose très souvent en allant parfois jusqu’à des situations gravissimes !
Le scénario (évolutif, c’est l’avantage d’un scénario !)
L’exposé des faits : j’habite une maison avec un jardin, j’ai un chat, qui va de temps en temps chez le voisin, qui déteste ça, qui m’a fait des reproches, puis a fini par passer aux menaces, avec peut-être un début de passage à l’acte, mon chat a été gravement intoxiqué à deux reprises. Précisions supplémentaires, le fait peut se produire en ville, dans un immeuble, où le chat peut passer d’un balcon à un autre et on se retrouve dans le même cas d’espèce. J’ai poussé le scénario à l’extrême en allant jusqu’à envisager le meurtre de mon chat par ce c… de voisin. Avec à chaque étape ces deux mots : que faire ? Et un autre de temps en temps, combien ? Aucun souci durant le long entretien que m’a accordé Eric Alligné, manifestement il connaît bien la matière, qui plus est il est lui-même propriétaire d’animaux et il a des réponses, judiciaires ou non à toutes les questions que l’on peut se poser dans un tel cas.
Préliminaire : Eric Alligné a travaillé aux USA, et en a gardé une certaine préférence pour la négociation quand on peut éviter le passage devant un magistrat.
On y va.
Identification vraiment obligatoire…
D’abord, et cela ne concerne pas que les cas d’action judiciaire, Micetto le répète à l’envi, le chat doit être pucé ou tatoué ou les deux à la fois, toute intervention ultérieure en sera énormément facilitée. Comme quoi, on trouve ici un argument supplémentaire d’identifier vos animaux, de toutes façons c’est obligatoire depuis 2011, et pour une fois qu’un truc obligatoire sert vraiment ! Nous savons que nonobstant cette obligation, près de 80% des chats ne sont pas identifiés, tant pis pour vous… et pour eux ! Quand un chat a la possibilité de sortir, c’est même carrément vital.
Droit de divagation
Autre remarque importante, contrairement à un chien qui doit toujours être tenu en laisse en dehors de la maison, le chat, lui, a légalement un droit de divagation, dans un rayon de 300 mètres à un kilomètre de son foyer de rattachement.
Ce qui ne vous/lui donne tout de même pas tous les droits, souvent le voisin, rural ou de balcon, affirmera que votre chat fait ses besoins chez lui, gratte le sol, détruit les plantations de fleurs, casse les poteries ou les nains de jardin en chassant les papillons, etc…
Dans ce cas, deux choses à faire. D’abord, clôturer votre jardin ou votre balcon. Cela n’empêchera pas le chat de passer par-dessus bord, mais de votre côté vous aurez pris les précautions nécessaires…
Très important si les choses tournent au vinaigre.
Premières escarmouches…
Ici, la défense commence par une lettre simple, le recommandé sera une étape supplémentaire, on commence léger, voire de façon diplomatique… et l’on explique au voisin, par écrit, que l’on a tenu compte de ses remarques, que l’on a fait ce que l’on pense être nécessaire pour empêcher le chat d’aller péter la g… de « Grincheux » de « Prof » d’ « Atchoum » ou de « Dormeur » dans son gazon… (Là c’est moi qui brode, un avocat ne s’explique évidemment pas en ces termes…).
Bien entendu, on sait hélas que l’on n’a pas de chance et que l’on est tombé sur le voisin le plus con du monde, les menaces continuent, et ce pour une bonne raison, votre grillage vert sur le balcon, votre haie d’arbres autour de la maison, doublée d’un mur, et d’une clôture en brande, chat-chat s’en fout comme de l’an quarante, il passe partout.
Hostilités en vue…
On est ici dans le cas de menaces orales, tout sera infiniment plus simple si elles sont écrites voire signées mais votre con de voisin ne l’est pas assez pour faire ça ! Bon, Eric Alligné a plaidé des affaires dans lesquelles un animal a été tué en plein jour, devant témoins et à coups de fusil, il y a donc des voisins vraiment très cons mais le vôtre non. Enfin, pas encore à ce stade du scénario…
Là, on passe aux hostilités. La lettre est recommandée, on profite du fait qu’un animal est certes un être sensible mais aussi une propriété, comme la « chose » qu’il était avant, et vous informez le voisin que ses menaces visent à casser votre propriété, ce qui est illégal… Qu’en conséquence vous prendrez les mesures nécessaires, au civil et au pénal, pour répondre à ses menaces. On peut déposer plainte, et on s’aperçoit alors que l’on ne parvient pas à déposer cette f… plainte ! Il est pourtant illégal de refuser de prendre une plainte pour la police ou la gendarmerie. Pour avoir vécu personnellement le cas, et Maître Alligné connaît ce genre de problème, les pandores/les lardus (là encore c’est moi qui parle…) vous expliqueront qu’ils n’ont pas le temps, pas le personnel, qu’il ya des choses plus graves dans leurs vies, si vous insistez vraiment ils vont vous proposer de déposer une main courante. Et ça c’est simple, c’est JA-MAIS ! La main courante signifie que l’on n’en fera rien, qu’il n’y aura pas de suites.
Procédure pénale compliquée
Effectivement, les problèmes de voisinage polluent le temps des autorités, mais ils doivent prendre votre plainte. En cas de refus, on écrit au Procureur de la République. On est ici dans le domaine pénal, Eric Alligné pense que l’on peut toujours essayer de faire condamner le voisin, mais la procédure est longue, compliquée, car votre plainte va devoir passer deux guichets/guillotine, la police ou la gendarmerie qui décidera ou non de faire suivre votre plainte au procureur, puis le procureur qui décidera de classer ou non, et en matière de voisinage, le procureur classe souvent ! J’apporte à cette réponse mon vécu personnel, sur une affaire infiniment plus grave qu’une menace sur un chat. Une affaire de voisinage, fût-elle gravissime, peut ne pas passer ces deux obstacles là.
Agir au civil… Et cela coûte ?
Donc le conseil de l’avocat est d’agir au civil. Il y a deux sortes de juges, celui dit de proximité, qui n’est pas un professionnel, et que l’ont peut saisir pour réclamer des sommes inférieures à 4000 euro. Le tribunal d’Instance est saisi quand la somme réclamée est entre 4000 et 10 000 euro. Au-delà, c’est le Tribunal de Grande Instance. Sachez que dans les deux premiers cas, se faire représenter par un avocat n’est pas obligatoire, ce l’est en revanche devant le TGI, Tribunal de Grande Instance. Mais…
Là encore, je rejoins l’analyse de Maître Alligné, suite à quelques vécus persos, ce sont évidemment mes mots à moi, y aller sans avocat c’est se donner neuf chances sur dix de se faire casser la gueule ! La Justice est très impressionnante quand on y est partie, et l’on perd vite ses moyens, on bafouille, on oublie des choses importantes, les conclusions écrites que l’on apporte sont mal rédigées etc… L’avocat, lui, le tribunal, c’est son environnement… Une affaire au civil prendra un an/un an et demi.
Les témoignages seront importants, il semble qu’à chaud, en matière de menaces sur un animal, il soit plutôt aisé de les obtenir. Plus tard, quand les témoins auront eu le temps de réfléchir, ils seront moins réactifs… La menace écrite venant du voisin reste de toute façon une pièce importante, même non signée, un témoin pourra affirmer qu’il vous a vu recevoir le mail, le courrier dans votre boîte, le voisin dira le contraire mais vous aurez marqué un point… On parle ici de vrais témoignages bien sûr.
Le conseil de Maître Alligné est de s’adresser au Tribunal d’Instance, qui reçoit donc les demandes supérieures à 4000 euro et inférieures à 10 000. Bon, question du journaliste, aller au TI avec un avocat, combien cela coûte t’il ?
Réponse, c’est un peu modulable en fonction des revenus des clients mais on est à priori sur des honoraires de l’ordre de 500 à 1000 euro, qui comprennent toute la procédure, plaidoirie comprise. Il faut y ajouter l’huissier, une fois fixée la date au Tribunal, l’huissier que vous aurez mandaté portera votre convocation à la partie adverse. C’est un acte très fort… A ce point de la bataille, il est fréquent que le voisin sente… que ça commence vraiment à sentir le roussi et passe en mode négociation…
Le chat a été empoisonné… Pensez aussi à la procédure !
Ici, on franchit un pas supplémentaire dans le glauque, mais il est probable que le voisin ait mis ses menaces à exécution. Le chat a été très malade à deux reprises. Là c’est simple, c’est évidemment direction véto, et en général dans ces moments là on pense surtout à la survie du chat, pas aux ennuis avec le con de voisin. Il faut pourtant y penser et demander, à chaud, au véto, un certificat précis sur son diagnostic, empoisonnement ou membre brisé par exemple, en insistant sur le fait que les blessures semblent être dues à des coups. Pensez à la suite !
La suite justement, Eric Alligné est honnête, les dommages et intérêts, dans une histoire de ce genre, surtout si l’animal s’en sort, seront de toute façon médiocres au pénal. Au civil, si l’affaire est bien menée avec un bon dossier, on sera heureux d’arracher 2000-3000 euro. Bref, on ne gagnera pas d’argent sur un procès mais on aura en revanche la satisfaction de voir un salaud perdre au tribunal tout en touchant de quoi payer l’avocat !
Le voisin a perdu… et recommence !
J’alourdis donc encore un peu le scénario. Si le voisin recommence ses menaces ou ses mises à exécution, on peut redémarrer une nouvelle procédure. En revanche, il sera plus simple d’aller porter plainte et cette fois, avec un jugement en main, les pandores devront vraiment intervenir et se rendre chez le connard d’à côté… ceci évitera les frais d’un nouveau procès !
Le petit chat est mort…
Cette réplique classique de Molière, l’une des plus difficiles à placer et adorée des jurys des nouveaux comédiens, est ici une cruauté infernale, que vivent hélas pas mal de particuliers. Même si l’on sait que la procédure pénale n’est pas la voie royale, entre autres parce que les gendarmes puis le procureur peuvent décider l’arrêt de la procédure, alors qu’au civil, on décide soi-même de poursuivre, Eric Alligné me dit qu’il a plaidé des cas épouvantables de chats décapités, cloués, de véritables scènes de guerre !
Là, le pénal, qui ne coûtera pas plus cher, 500 à 1000 euro d’honoraires d’avocat selon les cas, permet en principe d’envoyer le salaud en prison, deux ans ferme ! Car quand l’animal est mort, le cas est plus important pour les juges. Donc, cela vaut le coup de porter plainte et de poursuivre, l’autre ne mérite que ça et même si les dommages et intérêts seront minimes, même s’il est condamné avec sursis, on aura eu gain de cause.
1000 euro pour se faire un salaud, c’est finalement peu mais pour pas mal de gens c’est une somme énorme.
On verra plus loin comment, si l’on agit au pénal, on peut demander l’aide des associations de défense.
Le chien du voisin a attaqué et blessé/tué mon chat sur son terrain…
Même si son terrain est clôturé, même si les faits se passent sur son terrain, le voisin est responsable de son chien. On rappelle qu’à priori, dans un premier temps, avant les morsures du chien, on a envoyé une lettre simple pour expliquer que l’on a fait tout son possible pour empêcher l’intrusion.
On rappelle aussi qu’en droit français on a une obligation de moyens et non de résultat, donc si l’on a fait le nécessaire et que l’on est de bonne foi, ce point est très important devant les juges, le voisin est dans son tort.
On a bien précisé que vous avez fait le nécessaire pour clôturer votre jardin ou votre balcon. Si ce n’est pas le cas, peu de possibilités d’attaque au tribubal. S’il ya une clôture en revanche, et que l’on peut prouver qu’il était difficile de faire mieux, le chat ayant droit à la divagation, si l’on est de bonne foi, on a une chance raisonnable de faire condamner l’adversaire. Eric Alligné rappelle qu’en tout état de cause, même sur son propre terrain privé, il est interdit de poser des pièges à loups ou des mines, ce qui m’a fait sourire mais pas lui, il a déjà vu ce genre de cas ! J’ai donc pensé très fort à Audiard, et son « les cons ça ose tout c’est même à ça qu’on les r’connaît ! ».
Les associations de défense : seulement au pénal
Elles sont là pour vous conseiller et le cas échéant pour aller au tribunal pour vous représenter.
L’avantage est que la procédure sera gratuite, ce sont les assoc’ qui prendront en charge les frais d’avocat, et d’autre part elles disposent de beaucoup de gens disponibles et connaissant bien les arcanes de la défense pour vous conseiller.
Mais il faut rappeler qu’elles choisiront plutôt les cas graves, et surtout qu’elles ne peuvent agir qu’au pénal, elles n’ont pas compétence à intervenir dans une procédure civile.
Bon, vous avez les éléments, vous savez qu’un conseil coûte moins cher qu’un procès, vous savez aussi qu’à chaque stade d’agression de votre voisin vous avez une réponse adaptée.
Pour le reste, chaque cas est particulier, n’hésitez pas à contacter Maître Alligné, il traite aussi les affaires qui surviennent en province, et il est à priori pour le conseil et la négo.
Eric Alligné
Avocat au Barreau de Paris
21 rue du Temple, 75004 Paris
Tél : 06 21 72 87 43
Fax : 01 42 71 16 52