Micetto : « Habemus papat’ »…

13/11/2014

Micetto est un chat très célèbre au XIXème siècle, pour avoir appartenu à un pape. (Appartenir… expression idiote, un chat n’appartient à personne d’autre que lui-même, mais enfin le mot est passé dans le langage courant, en fait c’est même le contraire, on appartient à son chat…)
En animalerie papale, on connait surtout la mule, qui, à en croire Alphonse Daudet, garde son coup de pied pendant sept années avant de le décocher. Voici maintenant le chat papal. Avec un destin absolument phénoménal.
Micetto, comme son nom l’indique, est donc rital, puisqu’à l’époque de Léon XII, son papal « maestro », il n’y a qu’un seul souverain pontife et son siège est à Rome… On sait que l’histoire a été parfois généreuse en matière de papes, il a pu y en avoir deux en même temps, l’un à Rome, l’autre en Avignon, et même trois, en 1409, le concile de Pise décide de déposer les deux papes, celui de Rome, Grégoire XII, et celui d’Avignon, Benoît XIII et de nommer à leur place Alexandre V !
Donc Micetto. Tout italianisant sait que dans la langue de Boccace (ça change un peu de Dante…) le « c » suivi d’un « e » ou d’un « i » se prononce « tch », et le « e » est ouvert. Donc « mitchaitto ». Autre particularité, en italien, on prononce les doubles. Donc, en exagérant, Mitchaitttttto. Accent tonique sur le « ai ».
Micetto… signifie le chaton, c’est très original ! Bon, ça reste mignon. Et puis, en religion catholique, un agneau ne devient jamais un mouton, et donc un chaton peut rester en bas âge jusqu’à sa mort…
Vous voilà initié et ronronnant sur la robe papale, en 1828. A cette époque, Napoléon a péri depuis sept ans, arseniqué par ces cochons de godons (pardon lecteur, je suis en même temps amateur de chats ET marin ET ancien rugbyman, personne n’est parfait…) dans un trou perdu au milieu de l’Atlantique, et Louis XVIII a laissé, pour cause de mort, la place royale à son ultra de frangin, Charles X.
On est donc en pleine période de destruction des idéaux de la révolution, ce qui finira mal pour Charles X, fuyant en 1830 une populace qui ne voulait pas comprendre que bouffer et être libre est naturellement réservé aux riches…
Leon XII n’est pas un grand marrant non plus, grand partisan de l’ordre moral, rétablissant les ghettos juifs fermés par les révolutionnaires français, condamnant la Franc-Maçonnerie, soutenant la Restauration en France en dénonçant les ministres trop libéraux.
Mais tout cela, Micetto s’en fout…
Il ronronne et le patron, entre deux écrits vengeurs sur les libres penseurs, adore le caresser sur ses genoux en recevant le grand monde, le très grand monde… C’est ainsi que notre animal fétiche fait la connaissance de l’Ambassadeur de France au Vatican, résidence papale récente, c’est justement Léon XII qui a procédé au déménagement, après avoir quitté son ancien lieu d’habitation, le Quirinal. Le Vatican avait été abandonné à la fin du dix-huitième siècle, lorsque les révolutionnaires français avaient déporté Pie VII, en 1798, sous les ordres du futur Maréchal Berthier.
Et voilà le coup de chance de Micetto, justement né au bon endroit et au bon moment ! Probable chat de gouttière, il aurait vu le jour, à en croire Frédéric Vitoux, de l’Académie Française, dans les loges de Raphaël, endroit aussi connu que la Sixtine, au Vatican. Jules II, le pape qui avait confié le plafond de la Sixtine à Michel Ange, avait aussi demandé à Raphaël de repeindre ses appartements…
Et donc, adoption du pape Leon XII par Micetto !
Et l’ambassadeur de France sus cité est largement plus connu que le pape en question. Il s’agit de Chateaubriand, François René de son prénom, Malouin (de Saint Malo, ceux qui ont aussi donné leur nom aux Îles Malouines) et chaud partisan de Charles X, plus inspiré à vrai dire dans ses écrits que dans ses choix politiques, il a commis des œuvres monumentales, il a voyagé comme proscrit d’abord puis pour le plaisir, en Amérique et en orient, bref un personnage assez considérable de l’époque.
Et il adore les chats, les conversations avec le pape portent essentiellement sur l’animal, et en effet, on imagine cela beaucoup plus intéressant que les encycliques sur la moralité de l’église…
Le pape propose alors à Chateaubriand de vivre avec Micetto quand il s’éteindra, c’est clair le pontifex maximus sentait arriver « The End ». Ce que l’écrivain accepte, le pape meurt l’année suivante, comme quoi au moins une fois il aura vu l’avenir, et Micetto prend le chemin de la France…
Il sera l’un des héros du bouquin le plus connu de Chateaubriand, « Les mémoires d’Outre Tombe » et il fera la connaissance du Tout Paris, dont la très célèbre Madame Récamier.

Micetto ? What else ?