Nous sommes dans le pays des Abers, en Bretagne Nord, ce sont ces rivières qui s’offrent à la remontée de la mer sur des kilomètres.
La région détient quasiment un record mondial de marnage, c’est la différence de hauteur entre la haute et la pleine mer, près de 14 mètres, ce qui occasionne des courants phénoménaux quand la mer vide les abers et des barres parfois gigantesques quand elle remonte contre le courant des rivières.
Le long de ces rivières existent, depuis le moyen âge, de nombreux moulins, qui fonctionnent dans les deux sens, à la montée et à la descente de la mer.
Les meuniers avaient tous des chats (nous y voilà enfin !) pour une raison simple, les souris, mulots, rats et autres rongeurs se foutent de la farine comme de leur dernière peste, (cholera-t ?) mais ils adorent les grains… Et impossible d’empoisonner les grains en question, on tuerait les futurs clients des boulangeries… Donc, chat de meunier est un corps de métier très créateur d’emplois dans la région…
Au fond de l’Aber-Wrac’h, nous sommes chez les Celtes, très friands de légendes, se trouve une chaussée de pierres énormes, percée de trous pour laisser passer l’eau, qui permet de traverser l’Aber même quand la marée est presque haute. Endroit sublime, comme toute cette région d’ailleurs. La légende raconte que le diable avait proposé au meunier du coin de lui construire ce pont, et ce en une seule nuit, et oui, le diable est vachement balaise, ce qui éviterait au Meunier un long détour pour aller livrer sa farine.
La contrepartie était que la première âme qui passerait ce pont appartiendrait au diable. Le meunier, pas con, a donc emmené son chat, qu’il a lâché devant lui et voilà comment on arrive à blouser le diable même s’il est vachement balaise.
Et donc le chat appartient au diable. Mais il est devenu très pote avec lui en fait, parce que le chat est par définition très attaché à qui l’accueille…
Et quand le diable lui a raconté comment il était arrivé du côté de chez Dante, le chat a pensé à une variante sur le pont… Parce que tous les meuniers du coin passaient par là pour livrer et rentraient sérieusement bourrés, ayant dépensé l’argent de la farine dans les tavernes, avec les filles de joie et après avoir consommé moult hydromel…
Quand les meuniers passaient le pont en titubant, le chat devenait huant (ouaf !) ça leur flanquait une trouille… du diable (re-ouaf !) et ils finissaient à l’eau. Sortant d’endroits mal famés tout juste avant de périr noyés, ils allaient donc direct en enfer, n’ayant pas eu le temps d’aller filer l’obole au curé pour se faire pardonner!
Et avec cette histoire, le chat se marre avec son pote le diable depuis des centaines d’années, parce qu’il lui amène une clientèle d’autant plus nombreuse qu’en appartenant au diable, le chat a gagné l’éternité et la jeunesse permanente. Et à chaque nouvelle arrivée, ils se tapent tous les deux sur les cuisses en disant… « On en a encore roulé un dans la farine ! »
Le diable a même ajouté un jour… « Ces mecs, c’est vraiment les rois… des ponts ! »… Humour diabolique !
L’enfer ? C’est finalement beaucoup plus marrant que le paradis, parce que là-haut, les anges, par définition sans sexe déterminé, n’ont aucun sens de l’amour et donc encore moins de l’humour…
Or amour et humour sont les deux clés de cette légende et aussi, ce n’est pas un hasard, celles d’une vie de chat.
On croit que les chats ne pensent qu’à pioncer, pas du tout, ils adorent se marrer.
Si vous ne le croyez pas, c’est que vous ne vivez pas vraiment avec vos chats.
Bon, l’histoire est un peu longue, mais Celte par ma mère, j’adore les belles légendes. Et je vénère les chats. Et l’Aber-Wrac’h est un endroit tellement sublime qu’il vaut beaucoup plus qu’un paradis sur terre !
Parallèlement, si je suis sûr que je n’ai jamais rencontré dieu, ce qui me sied totalement, en ce qui concerne le diable, j’ai un doute. Parce que depuis que les gars d’ACDC entonnent chaque soir « Highway to hell », le diable j’ai bien du le rencontrer aux péages du Highway en question… Comment sait-on que c’est le diable ? Parce que ces péages là… sont gratuits !
Autre indice, depuis que j’ai vu (1968) le film de Godard « One plus one », je frissonne de plaisir, avec des millions d’autres, dès que Keith Richards et ses Rolling Stones envoient les premières notes de « Sympathy for the devil »…
Oui, j’ai un doute. Le diable fait rire et fait danser, le diable aime les chats… J’ai bien dû le rencontrer, et pour ça d’ailleurs, pas besoin d’aller … au diable !