On le verra plus loin, les chats ont sauvé des milliers de vies humaines. Peut-être des millions. Pourtant, au début de cette histoire, être un chat est un enfer…
Horrible d’être chat depuis le Moyen-Âge jusqu’à la guerre de 1870 et au siège de Paris. Au Moyen Âge, leur enfer est l’Inquisitionn cette tache indélébile sur l’histoire de l’église, ses tortures, sa dictature et ses procès honteux. Les chats étaient apparentés au diable, quiconque en possédait un devenait suspect potentiel et se retrouvait torturé avec des trucs effroyables, puis brûlé vif s'il était pauvre mais étranglé par le bourreau avant la mise à feu si la famille faisait passer un bifton au maître des basses-œuvres. Du coup, il était devenu, on dirait aujourd’hui politiquement correct, puisque l’on avait donné le pouvoir à ces salauds de tortionnaires, de jeter des chats au feu soit à l’occasion des bûchers d’hérétiques soit au moment des feux de la St Jean… Ils ont été sacrifiés par milliers. Nous y reviendrons.
Autre motif de sacrifice des chats, soit lors des sièges militaires soit à l’occasion des famines provoquées par les mauvaises récoltes. Dans les villes, quand il n’y avait plus rien à bouffer, les chats devenaient un mets, peu apprécié cependant, les affiches retrouvées chez les bouchers durant le siège de Paris en 1871 montrent que la viande de chat était la chair la moins chère…
Mais durant ces sièges et disettes, le chat a eu une importance énorme, il a permis à des centaines, des milliers de citadins de survivre…
Mais ce n’est pas tout. Le rôle bienfaiteur de la race féline est loin de s’arrêter à quelques assiettes peu goûteuses ingérées pour cause de faim dévorante.
Ainsi dans l’histoire des chats d’Angeline. Nous sommes à La Romieu, en Gascogne, en 1338. Deux années de suite, la mauvaise météo a empêché les paysans d’ensemencer les champs. Et bien sûr, même si l’on a des réserves, au bout d’un an, personne n’a plus que dalle à croûter. Alors ? Alors les animaux domestiques se retrouvent sur les tables des affamés. Les chiens d’abord, il y a plus à bouffer sur un gros animal, puis les chats… Des dizaines de gens survivent ainsi à la disette jusqu’à ce qu’arrivent les grains de secours… Mais là problème, ceux qui entrent en scène sont les rats, qui bouffent le grain, et plus de chats pour les occire ! Angeline est une jeune fille qui aimait bien ses chatons, qui les a planqués pendant la disette, c’était interdit bien sûr mais une fois les chatons en question devenus mâles, elle a indiqué à la population qu’elle les lâchait dans les greniers… Ils se sont fait une indigestion de rats et ont sauvé, d’une certaine façon, une deuxième fois la population de La Romieu de la famine. Angeline possède des statues dans toute la ville.
Si on emmène l’histoire au stade national et même européen, elle concerne alors des millions de gens.
En 1347, un bateau qui arrive de la Mer Noire aborde Marseille. A bord de ce bateau, comme sur tous les bateaux, les rats pullulent, même si l’on a à bord des petits chiens ratiers, ce sont les Hollandais qui ont trouvé le truc, le chien s’appelle d’ailleurs « Shipperke », ce qui signifie « petit navigateur » en langue batave.
Le problème est que les rats de ce bateau sont porteurs de puces infectées qui vont déclencher la Peste Noire qui va faire, en quelques années, pas loin de trente millions de victimes en Europe. En France, sept millions de morts soit 41% de la population !
Comme par hasard, depuis un peu plus de cent ans, l’Inquisition fait rage et donc les chats, on l’a vu ci-dessus, animaux considérés comme diaboliques par les dominicains (et quelques autres…) qui dirigent cette saloperie d’Inquisition, sont systématiquement pourchassés, exterminés. Et plus on extermine les chats, plus les épidémies de peste tirent dans le tas… Et sévère, en 1720, toujours à partir de Marseille, 100 000 personnes vont encore y passer… Mais 100 000 c'est quand même un grand mieux… Pourquoi ? Les progrès de la médecine ? A en croire Molière, ce n’est sûrement pas de ce côté qu’il faut regarder les raisons du recul de la maladie. Pour cela, il faudra attendre les découvertes de Yersin en 1894…
En fait, à partir de la Renaissance, on commence à se rendre compte que le chat peut-être utile car il détruit justement les rongeurs qui dévorent les récoltes de grains. Rien à voir avec la peste, on ne sait toujours pas comment cela s’attrape mais en devenant utile et donc survivant, le chat fait des massacres de rats et les épidémies diminuent d’intensité.
C’est Louis XIV, qui est grand amateur de greffiers, qui interdit en 1648 de jeter les chats au bûcher le soir de la St Jean. Et c’est la révolution de 1789 qui mettra fin à ces actes barbares en mettant un point final à ces croyances imbéciles.
Et comme par hasard, c’est la fin des grandes épidémies de peste. Pour flinguer du chat, il restera quelques famines, on l’a dit, par exemple lors du Siège de Paris pendant la guerre de 1870, le chat (et le rat aussi !) suivront dans les assiettes les éléphants et les singes du zoo de Paris et du jardin d’Acclimatation… Là encore, le greffier sauve des milliers de vie de Parisiens que Thiers se chargera de faire fusiller au mur des Fédérés lors de la répression de la Commune de Paris. Mais ça c’est autre chose, c’est seulement l’histoire des hommes et l’on sait qu’ils sont aussi crétins que cruels. J’imagine un chat qui aurait échappé aux boucheries canines et félines de Paris durant le siège des Prussiens (à Paname, on dit les Pruscos) et qui serait passé au Père Lachaise après les exécutions en masse des Parisiens par les Versaillais. Que se serait-il dit ? « Quelle bande de cons »… et c’eût été la stricte vérité. Bon les chats, merci d’exister…