Robert de Laroche a beaucoup écrit sur les chats. Avant d’évoquer le bonhomme et ses quasi (belles) obsessions que sont les chats et Venise, voici comment il explique lui-même la naissance de sa passion pour les chats. C’est un extrait de son livre « Il y a un siècle, le chat »...
« Ma grand-mère maternelle, souffrant d’un cancer, désirait la compagnie d’un chat. Encore fallait-il trouver un animal très calme qui reste à ses côtés, puisqu’elle ne quittait son lit que pour s’installer dans son fauteuil ». L’auteur explique que le chaton a été trouvé par la femme de ménage, dans une cour où les enfants le malmenaient ...
« Ma grand-mère n’hésita pas un instant et la pria de le lui ramener. C’est ainsi que Pacha arriva à la maison. Pacha se montra un chat garde-malade exemplaire, ce bâtard de Chartreux et de gouttière - un fort beau matou - était la douceur personnalisée. Il ne quittait pas sa maîtresse, caché sous son châle lorsqu’elle était dans son fauteuil, la tête appuyée contre le combiné du téléphone lorsqu’elle était couchée. Ainsi pendant deux ans, il déploya des trésors d’affection à l’égard de celle qui l’avait tiré des griffes d’un destin peu enviable »...
On pourra noter à l’occasion que Micetto et ses correspondants se battent chaque jour pour que des centaines de chatons abandonnés connaissent ce genre de deuxième vie et de renaissance... Robert de Laroche poursuit... « Quand ma grand-mère mourut, Pacha devint fou. Fou de douleur, ne puis-je m’empêcher d’écrire. Nous l’avions installé pour dormir avec les deux chats noirs. Mais pacha n’avait qu’une idée en tête, retrouver sa maîtresse. Arrivé là où il pensait la retrouver, Pacha se mettait à pousser des hurlements de désespoir ».
L’auteur dit au vu de cette histoire que quand il entend parler du manque de fidélité des chats, de leur indifférence à la main qui les nourrit et de leur nature intéressée, lui pense qu’il faudrait plutôt parler d’amour.
Voilà des lignes qui poussent à en connaître un peu plus sur l’auteur...
Cet auteur est né un an après moi, il fait le même métier, journaliste, et comme moi, il aime Venise, les chats, le piano et le cinéma, c’est donc déjà une grosse envie d’en connaître un peu plus sur le bonhomme.
Un gros actif sur le stylo (puis hélas, sur cette horreur d’ersatz de stylo qu’est le clavier d’ordinateur...) mon cher confrère ! Il a écrit plus de soixante livres ! Si je compte qu’il n’a pas dû commencer avant quatorze-quinze ans, on est bien au-delà du bouquin annuel, et c’est génial d’écrire un livre mais c’est une galère... Bref, le garçon a forcément beaucoup de courage et de talent...
Truc étonnant, il est obsédé par les chats et par Venise, au point de les mettre en scène ensemble dans plusieurs de ses bouquins, nous avons publié une liste non exhaustive de sa bibliographie en annexe, on y trouve entre autres « Chats de Venise » (La Renaissance du livre, 1991) qui est essentiellement composé de photos, « Parole de chat ! » et «Plus chat que moi » (L'Archipel, 1998 et 2000), « Une brève histoire du chat » (L'Oeil Neuf, 2010), plusieurs recueils de nouvelles (Ouest-France, 2005), « Venise sauvée par ses chats » (La Tour Verte, 2008), ce sont clairement des signes de grosse obsession.
Mais c’est normal, le chat c’est un monde totalement fascinant, essayez un peu de comprendre ce qu’il vous dit dans les yeux, il serait plus simple de lire l’écriture Mycénienne (toujours pas déchiffrée en totalité à ce jour) ! Moi j’y passe des heures et la pierre de Rosette et ses hiéroglyphes, à côté, c’est de la gnognotte !
Quant à Venise, c’est simple, c’est un envoûtement permanent. Aujourd’hui encore, quand on se perd dans les ruelles et les placettes (les Cà), quand on marche sur les Zattere, quand on ne croit plus être sur terre un jour de carnaval sur la Piazza San Marco, on s’imagine encore être dans les tableaux de Carpaccio et Canaletto...
Alors forcément, pour un amateur (adorateur ?) de chats et de Venise, la matière est infinie.
Nous avons déjà écrit sur Micetto que le chat était le bienfaiteur de Venise, car le rat est l’ennemi absolu de cette cité lacustre, dont les soubassements (la ville est construite sur des piliers en bois !) sont déjà largement attaqués par la pollution et les vagues des « vaporetti », les bus aquatiques. L’autre ennemi des rats est l’ « Acqua Alta », la marée haute qui envahit la place Saint Marc, et chasse les rats des caves, du coup le boulot des chats est simplifié, mais c’est rare, et heureusement car ce phénomène a des conséquences désastreuses sur cette ville déjà condamnée à sombrer. Nous sommes donc complètement dans l’univers de Robert de Laroche.
J’ajoute à titre perso que si les chats de Venise pouvaient aussi empêcher les supertankers et les raffineries de Marghera, de l’autre côté de la lagune, de polluer l’eau, de créer des vagues énormes qui lézardent la ville, ce serait parfait mais on sait bien qu’un chat ne fait que ce qu’il veut...
Mais au fait, la ville elle-même s’est donnée au chat ! Quel est le symbole de Venise ? Le lion de Saint Marc. Et le lion est un félin, donc un gros chat... Et oui, même si celui qui est dédié à l’évangéliste Saint Marc est ailé, il reste un félin. Voilà, le lien est fait. Ensuite, l’imagination très féconde de Robert de Laroche y a ajouté les scenarii qui vont bien, il connaît le truc, il a aussi fait des films, comme acteur et comme réal’. Auteur à découvrir donc, pour ceux qui sont curieux.
Encore une remarque perso, pour ceux qui aiment la BD, la très grande BD, celle du neuvième art, Hugo Pratt a publié en 1921 « Fables de Venise », sous titré « Sirat Al-Bunduqiyyah », c’est bourré de symboles, de rues mystérieuses, de masques ... et de chats et surtout c’est sublime. Je ne serais pas étonné que Robert de Laroche connaisse par cœur cette histoire de Corto Maltese... Bon voyage au travers de ses livres !
Liste non exhaustive des œuvres de Bernard de Laroche :
Le chat dans la tradition spirituelle. Éditions Judith Henry, 1984
Chat noir miroir des songes. Éditions Judith Henry, 1986
Chats de Venise. Photographies : Jean-Michel Labat. Casterman, 1991
Histoire secrète du chat. Préface de Jacques Laurent. Casterman, 1993
Lagune vénitienne. Photographies : Jean-Michel Labat. Casterman, 1995
Parole de chat ! Illustrations : Bernard Vercruyce. Préface de Louis Nucéra. L’Archipel, 1998
Plus chat que moi… Illustrations : Bernard Vercruyce. L’Archipel, 2000
Venise carnaval secret. La Renaissance du Livre, 2002
Marie Dubas comédienne de la chanson (avec François Bellair-Dubas). Christian Pirot, 2003
Châteaux, parcs et jardins en vallée de Loire. Photographies : Catherine Bibollet. La Renaissance du Livre, 2003
Contes et légendes du chat. Ouest-France, 2005
Chats de Rome. Photographies : Jean-Michel Labat. La Renaissance du Livre, 2006
Paris chante et danse. La Renaissance du Livre, 2007
Dictionnaire du cinéma d’épouvante. Scali, 2007
Trompe-l’œil. Atelier des Champs, 2008
Florian Venezia 1720. Caffè Florian (Venise), 2008
Venise sauvée par ses chats. La Tour Verte, 2008
Manières noires. La Tour Verte, 2009
Une brève histoire du chat. L’Œil Neuf, 2010
L’Enchatclopédie. L’Archipel, 2010
Les mots de Toto. La Tour Verte, 2011
Arletty, paroles retrouvées. La Tour Verte, 2012
La saison des chats. La Tour Verte, 2013