Des chiens de garde d’accord mais des chats… Et oui, on est à Saint Petersbourg/Petrograd/Leningrad/redevenue Saint Petersbourg en 1991. Et il est vrai qu’en Russie, ex URSS, entre le gigantisme de toute réalisation, les richesses démentielles claquées par les tsars pour construire des palais bien plus grands que Versailles, sauf qu’ici le « Grand Canal », c’est juste le Golfe de Finlande, avec les caprices des mêmes tsars/tsarines, le visiteur est en perpétuel état d’ébahissement… Caprices de tsarines ?
Dans le Palais de l’Ermitage, un truc que même pas t’imagines que l’on puisse faire aussi grand, voici l’impératrice Elisabeth I, qui, en 1747, a institué un service de garde par les chats, pensant bien sûr d’abord à eux comme chasseurs de rats et de souris ! Autres caprices avec la Grande Catherine, qui obligeait la cour à s’exprimer en français, recevant comme un roi un Diderot pourchassé à Paris pour idées subversives, écrivant à longueur de journées à Voltaire, et enfin achetant pour l’Ermitage la collection d’art la plus démentielle de l’époque, j’ai usé une paire de chaussures en trois jours de marche forcée pour essayer d’en voir le dixième…
Mais les chats…
Ils ont donc été adorés parce que chassant souris, mulots, rats et autres bestioles qui foutaient une trouille bleue à ces dames de la cour. Au fil du temps, ils sont sortis des immenses caves du palais, et certains ont pris leurs habitudes dans les salons, bref, ces chats de tsars sont devenus des stars. Vie de rêve jusqu’à ce que le dernier proprio de l’endroit, Nicolas II, se soit fait zigouiller avec toute sa famille à Ekaterinenbourg, les bolcheviks suivant en cela l’exemple millénaire des us et coutumes de la cour de Russie, où le crime était une sorte d’acte quasi quotidien, quand on ne plaisait plus, on perdait la tête… C’était même… une sorte de conclusion des débats, en cas de désaccord, ou encore une fameuse roulette qui a fait sauter bien des têtes couronnées…
Mais pour les chats, mauvais plan, parce que le palais de l’Ermitage a été laissé à l’abandon, ensuite Staline s’est intéressé aux œuvres d’art parce que ça valait des sous et il en avait besoin pour construire un nouveau monde, en même temps que de belles datchas, des goulag, des tanks, bref il vendait les toiles et l’argenterie…
Comme les chats ne valaient rien et qu’ils étaient assez intelligents pour ne pas faire savoir que le grand soir, chez eux, c’est tous les jours, on leur a foutu la paix mais il a fallu qu’ils aillent glaner leur pitance comme des chats de gouttière…
Très mauvais plan ensuite, pendant la deuxième guerre mondiale, le siège de Leningrad par les hordes barbares des teutons a duré trois ans, avec à la clé une famine démentielle et deux millions de morts de faim. Pas impossible que comme à Paris pendant le siège de 1870, encore avec les allemands autour, les tristement célèbres « pruskos », quelques affamés aient pensé que le chat pouvait être servi à table… peut-être que du coup, les chats n’aiment plus les allemands, faudra que je leur demande à l’occasion…
Après la guerre, à Leningrad, on ne chasse plus le chat, il redevient le maître des lieux mais les lieux sont dans un état ! La-men-ta-ble ! Puis, le pays se reconstruisant, le palais de l’Ermitage retrouve au fil des ans des couleurs, des chefs d’œuvre, des visiteurs, la ville devient même fashion et les chats suivent le mouvement. Ils sont même pris en charge par une association qui les protège, les nourrit, leur a organisé une fête annuelle. Les chats sont redevenus les gardiens du palais. Les nouveaux tsars du pays pourront toujours ressortir la ritournelle de la Russie éternelle… C’est juste de l’idéologie. Les chats, eux, depuis les pyramides d’Egypte jusqu’à l’Ermitage, sont vraiment éternels et ce qui est marrant, c’est qu’ils s’en foutent ! Zen les gardiens…