Cela ressemble à une chanson de Bécaud(Nathalie) et c’est voulu. Cela ressemble à un comte (et un conte !) hugolien et c’est voulu aussi. Parce que c’est étrange, grandiose, comme les références ci-dessus.
Menine est donc la chatte de la Duchesse de Lesdiguières, nous sommes au XVIIIème siècle et de ce fait dans la haute, et même dans la haute branchée car la duchesse se pique d’écriture, sous le nom de Gondi. Elle est veuve mais pas joyeuse, tout arrive dans ce siècle qui a produit le meilleur (Mozart !) et le pire (pas de noms, je ne veux blesser personne…). Elle habite l’hôtel de Zamet, proche de la Bastille, dans ce quartier du Marais que j’ai connu quasi en ruine avant que Malraux n’en fasse un lieu prestigieux, contre l’avis de ce bourrin de Le Corbusier qui voulait tout raser et y construire des barres d’immeubles ! Elle reporte tout son amour et son temps sur son animal domestique.
Sa chatte s’appelait donc Menine et rien n’était trop beau pour elle, un peu à l’image de ce que nous avons déjà raconté sur la chatte quasi sacrée de Karl Lagerfeld…
On sait aussi qu’à la cour de Louis XV, les chats angoras étaient à la mode. Mais si sa maîtresse était bien née, la chatte, elle, était de peu de sang bleu. C'était Ménine une chatte des rues grise aux yeux dorés.
Peu importe, la comtesse poétesse s’en fiche, elle ne vivait que pour Ménine.
Un chat a certes neuf vies, mais au total, mises bout à bout, cela dépasse rarement la vingtaine d’années ! Et Menine a fini par partir.
Alors la comtesse lui a fait un deuil royal. L’épitaphe de Menine a d'ailleurs été confiée au secrétaire permanent de l’Académie Française, Regnier-Desmarais !
"Cy gist une chatte jolie.
Sa maîtresse, qui n'aima rien,
L'aima jusques à la folie.
Pourquoi le dire? On le voit bien."
Et bien entendu, l’animal eut droit à son tombeau, avec son mausolée où la chatte est en effigie de marbre noir et blanc, sculpté dans le parc de l’hôtel de Zamet, il est représenté sur une gravure de Coypel jointe à ce papier.
Puis la duchesse mourut elle aussi, son hôtel fut vendu puis démoli pour faire place à une construction plus importante.
Au XIXème siècle, sous l’égide du baron Haussmann, le fameux « éventreur de Paris », comme le surnomme Claude Marti, conférencier célèbre et probablement l’un des meilleurs connaisseurs de la capitale, on perça le boulevard Henri IV, qui part de la Bastille. Et lors du creusement nécessaire à l’établissement du remblai du boulevard, on retrouva les vestiges du fameux tombeau. Ce qu’il en advint, nul ne le sait aujourd’hui. Pas impossible qu’il ait servi à décorer, il était en morceaux, l’un des somptueux appartements construits le long des boulevards chicos de Monsieur Haussmann ( l’homme était préfet de Paris et… promoteur immobilier !). Il a pu aussi être réutilisé dans les matériaux de construction des immeubles, on sait qu’un bon maçon ne jette jamais rien ! Il a pu être vendu pour quelques sous à un de ces brocanteurs qui passait toujours sur les lieux de creusement pour voir s’il n’y avait pas quelque trésor à racheter à vil prix, les monuments historiques existaient déjà pour protéger le patrimoine mais qu’avaient-ils à faite d’un mausolée de chat en ruines ?
La poétesse-comtesse a laissé un sonnet sur sa chate Menine, un peu pour initiés le sonnet, par endroits, Micetto est ravi de vous l’offrir avec le décryptage adéquat.
Bonne lecture !
Au fait, si vous n’avez pas les moyens financiers de la Comtesse de Lesdiguières, ce tombeau, ce mausolée, ces sonnets et épitaphes, vous pouvez les créer vous-mêmes sur notre rubrique « Au paradis des chats », votre compagnon deviendra éternel, photo à l’appui et texte écrit par son propriétaire !
Avantage, aucun promoteur immobilier ne viendra le détruire !
Et aucun nouvel éventreur de Paris, Haussmann a eu bien des successeurs, beaucoup moins doués que lui d‘ailleurs, les horreurs actuelles construites dans la capitale en sont les tristes témoins, ne viendra déranger la quiétude du dernier refuge de votre animal chéri…