Un ange débarque dans la piaule de Marie, qui dort au début de l’histoire, il lui raconte des trucs abracadabrantesques et dans la pièce, un chat "spotted" (1) s’en fout totalement... Pourtant, un ange qui arrive ça doit faire du boucan, le froissement d’ailes entre autres, un truc à rendre un chat fou (on sait que les chats et les piafs ça ne va pas vraiment ensemble), il parle fort car son message vient de dieu et en plus il faut réveiller la dormeuse... Mais pour Pierre Paul Rubens (1577 - 1640), dont l’annonciation date de 1627, le chat (2) qui dort aux pieds de Marie ne bouge pas une vibrisse. Chat alors ! (Ouaf !)
Rubens est un immense peintre, un baroque glorifié de son vivant dans toute l’Europe, il a connu entre autres Marie de Medicis, Henri IV, Louis XIII, sacré carnet d’adresse le mec ! Le tableau que nous allons évoquer se trouve à Anvers, au musée consacré à l’artiste.
L’Annonciation à la vierge Marie, par un ange, qu’elle va enfanter le Christ sans passer par la case sexuelle est la base absolue de la religion chrétienne. Si vous niez cette histoire là, ou plus exactement la façon dont elle a été remaniée par les exégètes de l’Eglise, le Christ devient un simple homme, fils de Marie et joseph et point barre... Douter de ça a envoyé des centaines de gens au bûcher...
On imagine donc que cette scène (incongrue pour le raisonneur, vitale pour le croyant) a été peinte à des centaines de reprises par les plus grands artistes, dont Rubens, mais beaucoup d’entre eux ont voulu remettre un truc logique dans une histoire qui ne l’est en rien, et le chat en est un moyen absolu.
Parce qu’un chat, ça n’a pas de religion, pas de croyances, pas peur de la mort puisqu’il ne sait pas ce que c’est et une religion où l’on n’a pas peur de la mort, ce n’est plus une religion ! On aurait presque envie de dire que le chat qui continue de pioncer, c’est la réponse rationnelle de l’artiste tout en racontant en images l’histoire officielle... Le chat serait en quelque sorte la pensée humaine...
Dans d’autres annonciations, on retrouve le chat. Dans le tableau, beaucoup moins connu de Lorenzo Lotto, en 1527, cent ans avant Rubens donc, il ya aussi un chat mais celui-là se barre en grognant sur l’ange qui dérange la maisonnée. Mais c’est encore un signe rationnel, on ne nie pas l’ange, mais on dit quand même que l’histoire qui se passe autour est à dormir debout ! Il est vrai qu’à cette époque, l’Inquisition, sorte de Guépéou ou de Stasi papale, une des hontes de l’histoire de l’humanité, bat son plein. Donc l’ange forcément ça existe ! Mais Lotto est peut être encore plus fort, le chat étant alors un signe démoniaque, il fait penser à ces imbéciles de l’Inquisition que le seul qui ne croit pas à l’histoire de l’enfantement par miracle, c’est le démon !
Très forts ces peintres... Très forts ces chats...
1/ La robe spotted tabby ou moucheté, est en fait une robe mackerel tabby dont les rayures sont interrompues. Par sélection on a pu obtenir des ronds parfaits mais ils peuvent aussi être de formes plus ou moins inégales.
2/ A noter que ce chat ressemble fortement à la race actuelle des Bengal.