Jean de La Fontaine a été quelqu’un de magnifique, courageux, visionnaire... A travers ses fables qui mettaient en scène des animaux, il a réussi à dresser un portrait au vitriol de la société de son époque (Louis XIV), avec beaucoup moins d’ennuis à la clé que ce malheureux Voltaire ou même Molière, dont le Tartuffe a été longtemps interdit par le « Roy »...
La Fontaine a aussi osé rester dans le camp de Fouquet quand celui-ci, poursuivi par la jalousie de Colbert, a été jeté en geôle et oublié jusqu’à sa mort...
Alors venons-en à la Fontaine et ses fables. Il était quand même coincé car pour utiliser ses animaux comme symboles, il fallait que ses héros à poils ou à plumes correspondent à l’image que l’on avait d’eux.
Pour décrier un personnage rusé, il fallait le renard, un canard aurait laissé le lecteur de marbre... Pour un voleur, le corbeau passe en grand public mieux qu’une vache... Etc...
Et quand La Fontaine a mis ses chats en scène, les chats n’avaient pas bonne presse à l‘époque, Micetto eût été mis à l’Index et jeté à l’Autodafé, ses journalistes cloués au pilori ! Certes, on n’était plus au Moyen Âge qui jetait les chats vifs dans les bûchers car considérés comme bêtes de Satan, mais on avait encore des idées à la con. On a vu dans un de nos papiers que les Encyclopédistes, précurseurs intellectuels de la Révolution Française, comme Buffon, avaient des idées totalement tordues sur le chat alors un siècle avant, on imagine !
Bref le chat n’est pas un héros à l’image de la tortue... Ainsi, chez La Fontaine, la chat, la belette et le petit lapin, qui s’engueulent sur une affaire privée, demandent au chat de faire l’arbitre. Le chat prétexte son grand âge et sa surdité pour leur demander de se rapprocher pour exposer leur affaire, et c’est là que le chat ... « jetant des deux côtés la griffe en même temps, mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre »...
Je vais donc me faire doublement l’avocat du diable... parce que si c’est en effet le maître du chat durant des siècles, ce maître là me plaît beaucoup plus que toutes les bondieuseries habituelles de l’époque, en rappelant que les cathédrales sont un défi à la lumière, non une mise à genoux... Ensuite parce que La Fontaine a mis en scène un chat d’abord carrément intelligent. Faire se rapprocher les plaideurs pour les bouffer tous deux, voilà une histoire de chat qui me fait sourire. Bon, c’est sûr que c’est dommage pour la belette et le petit lapin, mais il faut aussi être très con pour demander la justice à son propre chasseur... En plus, il y a là une image de la justice qui est terrifiante pour le régime et les suivants... Bref, le chat a servi de révélateur d’une société, pas mal pour un animal si peu aimé...