Il était une fois, une jeunette toute menue, à la tête ronde et à la robe grise.
Elle arriva dans le jardin un beau jour de printemps. De son regard timide elle inspecta minutieusement le domaine : chaque mur, chaque escalier, chaque porte, chaque fenêtre, chaque abri,chaque arbre et plantation tout fut inventorié.
Cela dura des mois tant elle était prudente.
Le propriétaire, seigneur Matou ne mouftait pas, il se faisait vieux.
Il dormait beaucoup et sur ses deux oreilles, sans crainte pour son territoire.
Ce n’était plus de son âge de faire des embrouilles aux gens de passage.
Il était sûr de lui et confiant en ces humains qu’il employait comme gardien et cuisinier. Pas égoïste pour un sou, il pensait, dans ses profondes rêveries qu’à sa mort prochaine, ces deux-là auraient un grand chagrin et se retrouveraient bien désoeuvrés.
Alors, cette nomade tombait bien, surtout ne pas la chasser, surtout ne pas l’effrayer par des postures voire des feulements inappropriés.
La petite vagabonde fut vite acceptée par l’homme, ou l’inverse.
La femme la trouvait jolie, mais peu éduquée, sans grand pedigree et la jugeait même un peu « bête », idée qui manquait de bon sens.
Elle disait :
- "Oui, c’est bien beau tout ça, mais je ne veux pas que cette créature ennuie le patron et puis on ne sait pas d’où elle sort, comment lui faire confiance , c’est risqué, allez savoir , si ça se trouve elle est enceinte, en plus... "
L’homme se fâchait :
- " Tu vois bien qu’elle est sans logis, elle est si maigre, elle a l’air gentille, tu n’as pas de coeur… "
La femme se laissa attendrir, mais elle avait eu raison, 2 marmots allaient naître, évidemment de père inconnu.
Le temps passait, le patriarche décéda un matin, à l’heure du petit-déjeuner, une crise cardiaque l’emporta en quelques instants.
Les humains pleurèrent beaucoup en lui faisant une belle tombe dans le jardin.
La fille-mère plaça un de ses enfants en famille d’accueil, l’autre était un rejeton au caractère sauvage , il était de surcroît misanthrope.
Pour lui, cette espèce si grande et bruyante, ne comprenait rien à son tempérament indépendant.
Il n’avait pas besoin de serviteurs à plein temps, pas question de se laisser corrompre par leur idée de domestication.
Il partit vers sa destinée.
La miss devint seule occupante du logis .
L’homme et la femme faisaient au mieux pour se consoler de la perte du boss, le plus affectueux et intelligent de tous ceux connus dans leur vie ;ils tentaient aussi de s’adapter au caractère de la nouvelle patronne, si dissemblable en tout.
Ils s’inquiétaient, n’allait-elle pas s’ennuyer maintenant ?
Et puis c’était un lourd fardeau de reprendre cette succession en solo !
Souvent, des prétendants passaient, le gîte et le couvert avaient leur renommée dans le quartier et la petite était gironde.
Il y avait Quasimodo, un bourlingueur celui-là , il venait davantage pour les gamelles que pour elle, un vrai pique-assiette. Aussi, A-qu’unoeil, doux etpeureux, mais qui se lassa.
Et puis Bébert le costaud, un touriste qui retourna chez lui en septembre.
Le voisin, un beau norvégien, lui rendait visite les après-midi ensoleillés, c’était en tout bien tout honneur.
Elle vieillit comme tout un chacun…
Le prince charmant ne vint pas et elle resta célibataire .
Heureusement il y avait l’affection de ces drôles d’individus qu’elle ne comprenait pas toujours, mais qui la cajolaient si bien .
Alors, qu’importe le prince charmant……
Brigitte Follys, avril 2017