Actualités
16/03/2024
Ce n’est pas un lynx du Canada ni un ocelot de Guyane, juste un minuscule félin, un chat domestique, une chatte tigrée d’à peine trois kilos, c’est vous dire. Nous partageons le même territoire, avec pour elle des extensions que l’on ignore. Dans le langage courant, on dit que c’est « notre » chat. Elle vit le plus souvent en dehors de la maison, c’est son choix, sauf quand la météo est à la pluie, au vent ou en dessous des normales saisonnières. Là, elle rapplique au logis et cherche un endroit qui lui plaît pour buller en attendant que ça passe. Si elle est prise de frilosité, elle reste la nuit et opte pour ma couette. Ça m’agace et je n’ai pas peur de le lui dire :
- Minette, tu abuses, d’accord pour mon lit, mais tu restes au pied du lit, sinon tu te trouves un fauteuil.
Elle a l’air de comprendre ou bien c’est une ruse pour m’endormir. Quelle cruche suis-je ! Bien sûr c’est une ruse et à 3 heures en pleine nuit elle est blottie tout contre. D’un naturel plutôt paisible le jour, je peux faire preuve d’autorité si l’on perturbe mon sommeil et c’est lecas :
- Minette,s’te plait, pousse-toi, tu me gênes et ça me réveille…
Je la pousse un peu de la main. Quelle folie ! Le félin qui sommeille en elle, brutalement se réveille et de peur ennemie plante ses crocs dans la main maladroite, main pourtant pourvoyeuse de croquettes et de caresses. J’hurle, c’est que ça m’a fait drôlement mal, je saute du lit en lui donnant des noms d’oiseaux. Regard penaud de la bestiole, bon, vite un peu d’alcool sur la plaie et l’on réglera cela demain. Dodo.
Le lendemain, ma main gauche est douloureuse, on repère bien les traces des canines, ça fait des trous, je désinfecte encore, on verra bien. Le soir, son volume a doublé, elle est rouge cerise et j’ai des difficultés à plier les doigts. C’est vendredi, le cabinet médical ferme à 19 heures, il est déjà 20 heures. Oublions jusqu’à samedi. Au petit matin, la panique à bord, grosse fièvre, je tombe dans les pommes : SAMU, les Urgences de l’Hôpital. Dans l’ambulance, l’infirmière qui prend soin de moi me dit qu’elle n’aime pas les chats, la conductrice, elle, n’est pas du même avis, d’ailleurs elle en a plusieurs, dont un qui vient d’on ne sait où et qui s’incruste… bla bla bla, je lui parle de Micetto. Elle écrit ce nom dans sa paume en conduisant. C’est comme ça en campagne. Arrivée aux urgences, le brancardier annonce à la cantonade :
- Morsure de chat sur main gauche, question : c’est à vous le chat mordeur ?
-Moi : heu, oui en quelque sorte.
- Il est vacciné contre la rage ?
-Moi : bah non, elle a pas la rage la minette.
- Et vous ? Moi non plus, monsieur.
- Non madame je parle du tétanos.
- Moi : ah ! oui, oui, mais ça fait quelque temps...
-Lui, ça parait pas, mais c’est dangereux ces bestioles et cruelles, préfère les chiens.
Bon, c’est son droit, j’ai rien demandé. Le toubib arrive, lui ne me dit pas ses inclinations en la matière, question déontologie peut-être, ou bien il a d’autres chats à fouetter. Il me parle gentiment comme on cause à une "vieille dame aux chats " : bilan sanguin, antibiotique et ECG. Une infirmière vient pour la prise de sang, elle m’annonce d’emblée qu’elle aime les chats. Justement le sien qui est blanc avec des yeux vairons est sourd et elle me relate la vie de cette pauvre bête parce que c’est drôlement invalidant d’être sourd pour un matou. Je compatis. Une autre soignante passe pour l’ECG, elle aussi en pince pour les chats, d’ailleurs elle a un très beau persan, etc. En quelques heures je peux faire mes statistiques : les pour et les contre, après j’ajouterai l’ambulancier du retour au bercail, lui franchement hostile aux greffiers de tout poil, à suivre ses conseils : la minette, elle doit dégager et vite fait. Je lui dirai.Non, je lui dirai juste qu’elle ne dormira plus avec moi, la sauvage, elle s’en fiche, c’est l’été, il fait beau et aime le ciel étoilé.
(Tout va bien, mais ne pas sous-estimer une morsure de chat, consulter rapidement et n’omettez pas les vaccinations).
Brigitte Follys, aout 2020
