Auteur d’une monumentale « Histoire naturelle en général et particulière » de trente six volumes, Georges-Louis Leclerc de Buffon (il a été nommé comte par Louis XV) existe encore à Paris, il y a au Jardin des Plantes trois platanes qui ont été plantés par lui. C’était un mec qui en connaissait un bout sur plein de choses mais qui s’est totalement mis le doigt dans l’œil à propos du chat...
Et pas qu’un peu, durant cinquante pages il se fout dedans ! Selon Buffon, les chats font ce qu’ils veulent, ils ne connaissent pas leurs maîtres, ils sont incapables d’une éducation suivie, ils attaquent seulement les animaux faibles, ils ne sont pas dociles, manquent de finesse et d’odorat, ils attaquent par surprise, tuent sans nécessité, même s’ils sont bien nourris, ils sont pervers et voleurs, fripons, ont des yeux équivoques, ne cherchent les caresses que pour leur plaisir...etc... Cinquante pages comme ça !
Bon, Buffon est du siècle dit des Lumières, où l’on se devait de tout comprendre, de tout expliquer. Cela a fortement marché pour faire entrer dans les consciences, et plus tard dans les faits, l’un ne va pas sans l’autre, que l’Ancien Régime était pourave de A à Z et qu’il fallait tout faire péter, ce que fera avec beaucoup de conscience et de réussite la Révolution Française... Buffon, Voltaire, Diderot, même combat sur la royauté et l’inégalité...
Mais Buffon, sur le chat, bouffon.
L’argument numéro un des Encyclopédistes était la raison. Et il est sûr que la raison, chez un chat, ça ne fonctionne pas comme chez nous. Il est vrai que l’animal est indépendant, mais justement, c’est tout ce qui fait son charme. Il ne réfléchit pas comme nous mais d’un autre côté quand on voit les désastres de certaines réflexions chez l’homme, du côté du peintre autrichien de Linz ou des dominicains zélateurs de l’Inquisition, on se prend à rêver de lobotomie, on se serait quand même évité des siècles de dégueulasseries et pour le peintre autrichien ...22 millions de morts.
Les chats dit Buffon, attaquent seulement les animaux faibles...
Oui, ce sont des chasseurs... Je n’ai jamais vu un aigle attaquer une bestiole trop lourde pour lui, ou un lion attaquer tout seul un buffle, l’animal le plus dangereux sur terre. Et comme tous les chasseurs, en effet ils attaquent par surprise, il est assez rare qu’une bestiole à qui on fait comprendre qu‘elle va se faire dézinguer dise tout de suite qu’elle est d’accord et qu’elle attend juste le bon vouloir de son bourreau...
Les chats ne sont pas dociles dit le grand naturaliste... Impossible en effet de leur faire entendre raison, mais ce n’est pas réservé au chat, les mecs qui décapitent par débilité religieuse par exemple, ou ceux qui brûlaient vifs les hérétiques au Moyen Âge, difficile d’imaginer une quelconque raison à ces quart de cerveaux !
J’ai déjà dit que l’indépendance extrême de ces animaux, leur mépris pour nos petits problèmes, fait partie de leur intérêt... Bon, là, Buffon fait juste une erreur de jugement...
Là en revanche où le naturaliste se fout vraiment dedans, c’est quand il ne voit chez le chat ni finesse ni odorat... je crains, cher Buffon, que tout à votre démonstration, vous ayez juste oublié de regarder... un chat... Qui est justement tout de finesse, de délicatesse, j’admets que sur l’odorat le chien soit parfois plus affûté mais j’ai vu dans l’ouest américain les cousins sauvages du chat, que nous voulions photographier avec un des spécialistes mondiaux du truc, se barrer parce qu’à cent mètres, une saloperie de petit vent tournoyant avait signalé notre présence...
Bon, je ne vais pas nier point par point ici les affirmations erronées de Buffon sur le greffier, quand même un mot pour la fin.
Le chat ne chercherait les caresses que pour son propre plaisir et non pour celui des autres. Je compare juste avec l’homme, et je me marre franchement... Mais on risque de tomber dans le graveleux et certaine lectrice me dirait encore que mes écrits sont dignes du caniveau... Bref, mademoiselle, madame, monsieur, chers lecteurs, enfin si vous avez passé l’âge de la puberté, relisez bien la phrase de Buffon, et si au minimum vous ne souriez pas, c’est que vous ne savez pas ce qu’est le plaisir ou le désir. Dans ce cas, je vous conseille de demander à votre chat, il saura vous l’expliquer...