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Le chat de Geluck devient muet ?

21/06/2013
Le chat de Geluck devient muet ?

Geluck doit, chaque jour, et quelques fois plusieurs fois par jour, être marrant… Il y a trente ans, il a inventé un chat, moche, gros, faussement con, faussement placide, qui faisait tordre de rire les Bruxellois qui lisaient le quotidien « Le soir ». Pourquoi ? 

Parce qu’il pratiquait avec une infinie délicatesse cette forme d’humour typique de la ville qu’est le « Zwanze », mélange de belge français et de wallon directement traduit du flamand, tout en autodérision, avec un soupçon de pessimisme assumé, avec des traits féroces tirés comme des ficelles de velours, avec un cynisme de bon aloi… 

Faire dire à un Bruxellois ce qu’est le Zwanze est aussi difficile que de demander à un Anglais ce qu’est leur « yumeur », alias humour, à un Français du Sud pourquoi l’accent parigot le fait crever de rire… 

Mais j’en reviens à Geluck. Une fois dans ma vie, une seule fois, j’ai été présenté à la bonne bourgeoisie féminine d’une grosse ville de province, j’étais avec un ami qui deviendra plus tard un des grands chirurgiens du cœur, dans ces termes : « Je vous présente Jean Louis et « O » qui sont des marrants… » On a été sinistres, pas dit un mot de la soirée. 

Alors le Geluck, incroyable de créativité des premiers jours, des premiers mois, des premières années, qui, la gloire, la notoriété et l’argent venant, voit se multiplier les commandes, se retrouve chaque soir avec cette obligation : être marrant. 

Molière lui, avait des semaines pour écrire un texte. Audiard avait des mois pour pondre des dialogues. Geluck, c’est tous les jours… Et son chat devient un tyran. Le zwanze est une ile aux trésors dans la drôlerie, mais au bout de trente ans, le trésor a maigri… 

Bref, Geluck arrête, en pleine gloire… 

Il reviendra, après tout, Vladimir Horowitz, le plus grand pianiste de tous les temps, s’est arrêté de jouer pendant des années, cloîtré dans sa chambre. Un jour sa femme, fille d’Arturo Toscanini, a entendu quelques notes à l’étage… Horowitz était revenu parmi les vivants, et se mesurait à nouveau aux partitions de Scriabine. 

Geluck retrouvera son chat, avec envie, cela prendra le temps que cela prendra, point barre. Philippe, tes admirateurs fanatiques dont je suis attendront… 

Mais en en élargissant l’histoire, j’y vois un parallèle avec une autre vile, loin de Bruxelles. Jerusalem, qui devrait être ouverte aux trois grandes cultures issues du livre et qui se ferme, petit à petit, victime des ostracismes et des haines des uns et des autres. Il en est ainsi de Bruxelles. Il faut savoir qu’en Belgique, il ya trois régions. La Flandre, la Wallonie et Bruxelles. Bruxelles qui est officiellement de langue française mais qui est Flamande dans la journée, à cause des affaires qui se traitent en néerlandais. 

Bruxelles redevient française la nuit quand tout le monde est rentré chez soi. Bruxelles la déchirure, petit à petit envahie par l’intolérance et l’envie de conquête et d’appropriation exclusive. Bruxelles, capitale la plus ouverte du monde va devenir un enjeu. Là aussi peut-être est le désespoir du chat et de son créateur. L’auto dérision Bruxelloise devient une traîtrise aux Wallons, une provocation chez les Flamands. Geluck est d’ailleurs issu de parents des deux cultures. Ce dont il a magnifiquement retracé le bonheur/déchirement pendant des années. Un chat sait tout faire, cela tombe bien. Mais il ne sait pas  se couper en deux… Peut-on lui en vouloir ? Qui serait capable de se couper en deux ?  

 

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