Préambule… En fait, je suis prêt à tout pour vous rendre accro au chat de gouttière, y compris à la polémique en passant par la plus parfaite mauvaise foi. J’ai ceci de commun avec les Jésuites et les avocats que ce qui m’importe est la qualité de l’argumentation, quitte à ce que le client y perde la tête…
Argumentation… Bien sûr, il est du dernier chic (et du prix le plus élevé) de posséder un chat pur race avec armoiries garanties croisades (expression empruntée à Audiard), au hasard Chartreux, Persan, Bengal, Siamois, Birman, et de le montrer comme on veut épater avec sa bagnole qui fait du 300 mais qui fait sauter les radars au-dessus de 50, son tableau de maître dont on tellement peur de se le faire tirer qu’on le met « ad vitam aeternam » au fin fond d’un coffre mieux défendu que Fort Knoxx, ou encore sa malle cabine d’un grand bagagiste parisien sur laquelle la moindre éraflure devient un motif de suicide…
Oui, le chat de race est beau… et c’est (parfois) tout. C’est en effet un motif très louable d’attachement… Mais c’est connu, le beau… lasse !
Solution ?
Le chat de gouttière !
On le croit laid, idiot, sale… la faute à ce film « Les Aristochats »… Mais qui démontrait au moins qu’à défaut d’être beaux, ils étaient Prix Nobel de la débrouille !
Bon, élevons le débat. Vers d’autres horizons, animaux ou pas…
Mon père, ancien de Saumur, m’a toujours dit que le meilleur cheval était le demi-sang arabe…
Il est sûrement moins beau que le pur sang que les milliardaires s’arrachent aux Yearlings de Deauville, mais il est endurant, n’attrape pas tout ce qui traîne comme virus, adore le dressage et devient une monture de luxe pour la simple et bonne raison qu’il ne donne que du plaisir.
Passons un instant du cheval-cheval au cheval-vapeur…
Bien sûr, Monsieur (et pourquoi pas madame ?) rêve de temps en temps de Ferrari, Jaguar et autres Porsche…
Mais, je vous souhaite de tout cœur d’en avoir les moyens, ce que vous achèterez pour rouler sera l’équivalent d’une sportive de gouttière, une auto forcément abâtardie par rapport aux protos qui gagnent au Mans ou en F1.
Mais au lieu d’un proto qui s’écroulera sur lui-même au bout de 600 km, vous roulerez dans un intérieur confortable, des cuirs élégants, peut-être pourrait on y ajouter une jambe gainée de soie noire en place droite, le bruit du moteur en V entre les oreilles et vous frissonnerez de vraies sensations (celles des protos GP sont inhumaines…) quand vous faites rugir les 350 CV sous le capot.
Voilà, le bâtard est en fait un luxe suprême et vous ne le saviez pas…
Alors, ce qui est valable chez les équidés et les sportives italiennes ou germaines, l’est peut-être pour les chats ?
Yes !
Notre matou issu des gouttières est un vrai luxe ! …
Le vétérinaire vous fera la gueule, parce que votre chat ne sera jamais malade et n’aura surtout pas envie des croquettes vendues par ledit praticien au prix du caviar…
Ayant un ADN dans lequel les poubelles sont un mets de luxe et une soupente un hôtel quatre étoiles, il sera bien partout, agile comme un singe, rapide comme l’éclair avec une intelligence de situation qui vous stupéfiera.
Ma fille a adopté un chat devenu sauvage, repéré dans les coins sombres des facs à Nanterre. Un colosse, d’accord, de robe incertaine, mais avec des pattes énormes, musclées, sublimes. Il a appris tout seul à ouvrir une porte, dans les deux sens, il marche sur les bords d’un seau, bref, Upix, c’est son nom, tiré de celui de sa fac, (UPX), est une sorte de virtuose phénoménal à regarder, qui dévore tous les acariens-cafards-blattes et autres bestioles habituelles squatters d’immeubles, fort comme un ours (bon, un petit ours), végétarien en cas de besoin, et capable par-ailleurs de tout ce qui vous fait aimer la gent féline, câlins et ronrons compris.
Le mien, qui s’appelle Nansen mais qui s’en fout, l’intelligence des chats est aussi dans leur indépendance, a appris tout seul à me ramener les papiers de bonbon que je lui lance…
Accessoirement, je ne vois plus un nuisible non plus chez moi.
Son poil est plus doux que le Cachemire, ses yeux plus beaux que ceux de la Venus de Botticelli, son regard plus indiscret que l’œilleton d’Emmanuelle, plus mystérieux que la Chambre Jaune, plus pénétrant que l’air frais du matin, ses pattes font pleurer lvelours de jalousie…
C’est bien ça en fait. Un gouttière est un vrai luxe. CQFD…
03/2013