Bon, l’histoire est compliquée.
On essaie de démêler.
On est donc en Suisse, au monastère bouddhique du Mont Pèlerin, à l’extrémité est du Lac de Genève, près de Montreux.
C’est l’histoire d’un moine, j’ai vérifié auprès du monastère, les journaux helvètes utilisent le mot « Sage » qui n’a pas vraiment de définition dans cette religion, qui dit d’ailleurs ne pas vraiment être une religion, mais ce qui est sûr c’est qu’il est moine.
Au cours d’un séjour au Népal, il recueille une chatte malade d’un œil et la ramène en Suisse, pour la faire soigner. L’animal bénéficie d’un certificat de bonne santé d’un vétérinaire de New Delhi (Inde), pas très observateur le véto mais bon, l’animal entre en Suisse de façon totalement légale.
Sur place, l’infection de l’oeil s’aggrave, il faut opérer, ce qui est fait, par un vétérinaire de Vevey, qui se trouve près du monastère. Mais la chatte, appelée « Lucky » (et qui ne l’est pas tant que ça, chanceuse), est très gravement atteinte et se pose le problème de la rage. La région, le Népal, dont elle est issue figure en rouge sur la liste des zones à risque dans le monde, elle aurait donc du subir les contrôles anti rabiques, autrement dit un mois après le vaccin et trois mois avant l’importation, ceci pour s’assurer que la chatte n’a pas été infectée par la rage avant la vaccination.
Ce qui bien entendu n’a pas été fait. Et là c’est l’euthanasie obligatoire, la rage est une maladie très contagieuse et qui se transmet à l’homme !
Le moine refuse cette option et renvoie la chatte en Inde !
Et on le verra, en Suisse, qui n’obtempère pas à la loi est puni.
Plusieurs façons de lire cette histoire.
On peut par exemple se dire que le moine a sauvé trois fois la chatte Lucky. D’une mort affreuse et douloureuse en Inde, d’une mort annoncée en Suisse mais traitée sous anesthésie, puis d’une mort obligatoire en la renvoyant avant l’euthanasie.
Impossible d’avoir des nouvelles de Lucky, les miracles existent mais justement, c’est pour cela que ça s’appelle miracle, c’est rare... Peut-être la chatte est elle guérie mais elle était vraiment en très mauvaise santé. On ne sait donc pas si tout ce ramdam a servi à sauver un animal.
Par ailleurs, le moine est aussi sous la loi de l’Etat, et il a été condamné à une amende de 700 francs suisses (650 euro) par le tribunal pour « insoumission à une décision de l’autorité ».
Il a affirmé être en accord avec sa doctrine philosophique qui stipule «que l’essence de la pratique bouddhiste est de ne faire aucun mal à aucun être sensible ».
Bien sûr l’émotion tend à faire un héros de ce moine. Mais il se trouve que la Suisse est indemne de rage depuis 1999. Il n’est donc plus obligatoire d’y faire vacciner son animal, sauf s’il fait un séjour à l’étranger. La règle est simple. Elle n’a pas été respectée, en Suisse on ne rigole pas avec ça. Et la rage est vraiment un fléau.
En plus, pas certain que la chatte soit en bonne santé. Bref, le geste bon n’est pas forcément le bon geste.
Le monde va continuer de tourner, ce moine n’est pas un terroriste et il ya des millions de chats qui meurent dans des circonstances injustes. Depuis Guillaume Tell, en Helvétie, le refus d’un ordre d’autorité inacceptable est un grand classique. D’un autre côté, le pays peut-il prendre le risque d’une infection de ses animaux domestiques ? Eternel problème de la vie en société ! La différence entre le « moi » et le « ils », quand je fréquentais Sciences Po, c’était l’objet de cours entiers ! Alors ce genre d’histoire est rare, heureusement, mais loin d’être réglé !