Nous sommes donc aux USA, à l’hôpital VA Medical Center de Salem, en Virginie. Les initiales VA signifient Veterans Affairs, autrement dit, avec cette poésie si caractéristiques des médecins, il s’agit du hall d’embarquement pour le dernier voyage.
Pour faire du bien aux malades en fin de vie et au personnel soignant, Laura Hart, la patronne du service, a fait venir un chat « permanent » à l’hôpital. Ce après avoir assisté à une conférence du Pr Dosa, qui a expérimenté avec succès la présence de son chat « Oscar » dans un service qui reçoit des gens souffrant de la maladie d’Alzeimer à l’hôpital de Rhode Island, en Nouvelle Angleterre, au Nord Est des USA.
Le chat du VA de Salem, Tom, a été sélectionné pour son caractère très social par un refuge proche, pour apporter un petit côté humain dans un environnement dont le Dr Hart reconnaît qu’il est totalement déshumanisé... Lecteur, on s’arrête ici un instant, je me contente de relater l’info telle que décrite par le très sérieux ABC News...
On vient juste d’écrire que pour un médecin, il faut un chat pour humaniser la mort, c’est énorme non ? Je passerai vite sur l’échec sur ce point de toutes les religions au monde, dont l’unique raison d’être est la peur de la mort, et ce depuis les pyramides d’Egypte...
Un chat, un seul petit chat fout en l’air quatre mille ans de croyances !
Bref. Tom, comme beaucoup d’animaux d’ailleurs, mais amener un éléphant dans un service de soins palliatifs serait plus compliqué, Tom donc sent la mort qui approche. Il n’en a pas peur parce que chez les chats, aucune religion n’est venue leur flanquer la trouille avec des histoires d’enfer... C’est un passage, rien d’autre. Du coup, quand il sent que l’un des vieillards qu’il fréquente est proche du départ, il vient le voir, ABC news parle même d’un mourant qui a tenu la patte de Tom dans ses derniers instants. La fille de ce monsieur dit d’ailleurs que c’est la plus formidable façon de partir en paix.
Puis le chat, qui ne connaît pas plus la tristesse que la peur de la mort, est sans doute allé pioncer quelque part, peut être avec le suivant sur la liste du destin d’ailleurs...
Les familles des résidents (temporaires il est vrai...) ont largement plébiscité la présence du chat, le personnel de l’hôpital aussi, bref Tom est devenu une sorte de symbole. Puis un jour il partira lui aussi, sans états d’âme, paisiblement car un chat c’est tout le temps comme ça... Et là, on peut parier que le personnel du service, formé à la résistance morale la plus forte, se mettra à pleurer.
Un chat plus fortiche que 4000 années de toutes les religions, un chat qui arrive à donner la paix de l’esprit à quelqu’un, croyant ou pas, qui est en train de faire son paquetage comme on dit dans la marine. Un chat qui donne la patte à un mourant et dont le dernier soupir est donc un sourire. J’y ajoute le petit clin d’oeil littéraire qui sera mon petit plus à moi. On a écrit plusieurs fois dans Micetto qu’au Moyen Âge, le chat était créature de Satan et jeté aux flammes. Or notre histoire se passe à Salem, où il y eut justement un jugement et une exécution collective de sorcières, histoire reprise par un film des années cinquante. On est en 1692 et les Puritains pendent une vingtaine de femmes évidemment totalement innocentes.
Quatre siècles plus tard, un chat, lui aussi considéré comme maléfique à l’époque, redonne un statut à une ville dont le nom était synonyme d’atrocité. Je trouve que le destin est parfois, souvent même très paresseux pour faire avancer les choses dans le bon sens, mais là, grâce à Tom, il a fait un grand bond en avant, mais grave de chez grave ! Génial Tom, mes amitiés à Jerry...