Une route en lacets qui monte dans la sierra, des orangers à perte de vue, des petites murets de pierre pour délimiter les parcelles de terrain, des chèvres, des moutons, des oliviers, un paysage bucolique et souriant sous le ciel des Baléares, j'approche du sanctuaire où ont vécu George Sand et Frédéric Chopin, le temps d’un long hiver 1838/39 à Majorque. L'ambiance romantique et mélancolique outre la beauté de son coté unique et évocateur, ont inspiré Chopin et Sand dans quelques unes de leurs plus belles oeuvres. Le village a changé depuis le séjour de ses hôtes illustres. Les maisons ne sont pas différentes, ni la Chartreuse où logeait le couple mais le village s’est animé, rempli de touristes, même en cette soirée d’hiver. C’est là, à Valldemossa, que j'ai découvert Svetlana Sherbina, artiste-peintre et représentante d’Alexander Sorokin, son mari, artiste-peintre lui aussi.
Svetlana et Alexander sont russes et se sont installés à Majorque en 2000 après avoir quitté leur terre natale, Krasnodar, sur la mer Noire. Depuis, ils peignent, exposent, vendent leurs toiles.
Svetlana peint des chats, stylisés, dans des couleurs pastel.
Je l’ai rencontrée une soirée d’hiver dans sa galerie. Svetlana parle très bien le Français.
- Pourquoi peignez-vous des chats ?
- Mais parce que je les aiment beaucoup. Les chats m’inspirent ; ils sont tous différents tant par la couleur de leur robe, par leur caractère, leurs habitudes. Il faut donc les représenter chacun différemment, ce que je m’efforce de faire. Ils ont des sentiments : de la jalousie, de la haine ou au contraire de la gentillesse. Il est des chats joyeux, d’autres un peu tristes ou encore pensifs. Je dessine aussi des chats amoureux, ajoute-t-elle en montrant une oeuvre où figurent deux chats de couleur rose affrontant la vie côte à côte.
- Est-ce difficile de peindre les chats ?
- Ce n’est jamais difficile de réaliser une oeuvre qu’on aime. J’aime trop les chats pour trouver difficile de les dessiner ou les peindre. Je nourris les chats libres de Valldemossa. Il y en a cinq à sept qui viennent me retrouver chaque soir. Je leur donne à manger, les caresse, les observe, les dessine.
- Vous n’avez pas de chats chez vous ?
- Non, car les chats ont besoin de liberté. Je préfère m’occuper des chats libres et les regarder vivre. C’est très intéressant.
Dans la galerie, parmi les cartes postales représentant ses oeuvres, Svetlana a mis la photo d’une belle chatte noire aux yeux d’or. Elle m’explique que c’est sa préférée mais elle a disparu depuis deux mois. Svetlana, pourtant, ne désespère pas de la revoir et espère encore qu’elle va revenir.
Puis elle me montre ses oeuvres originales : chats stylisés, dans toutes positions, accroupis, allongés, dressés debout sur leurs pattes arrières avec des corps comme des tuyaux, bref des drôles de chats excentriques et attachants.
Son mari, Alexander Sorokin, inspiré par les chats de Svetlana, en a introduit dans ses toiles. il faut les décoder parmi l’enchevêtrement de ses compositions. En regardant attentivement, on remarque des chats figurant sur ses toiles, et en particulier un chat sphynx. Sorokin a organisé une exposition au musée de l’Art de Koualenko et au musée de Brujovetzkaja à Krasnodar.
Svetlana assure ses relations publiques. En effet, elle a suivi des formations en Russie en dessin (elle a été monitrice de peinture à l’école primaire) et en langues (elle parle outre le Russe, l’Anglais, l’Allemand, le Français, l’Italien et l’Espagnol.)
De cette galerie, voisine de la chartreuse, se dégage, en cette fin d’après-midi où l’ombre nocturne descend sur le village, une ambiance étrange et tranquille avec tous ces chats qui nous regardent.
Mais je laisse Svetlana qui va retrouver ses chats libres et vivants, ceux-là, pour leur donner leur assiette quotidienne.