La Syrie est en guerre civile depuis une éternité, et une ville comme Damas, selon le quartier où l’on se trouve, peut-être sous l’autorité des soldats du régime ou des rebelles.
L’armée faisant le siège de ces quartiers rebelles, le ravitaillement passe très difficilement.
Une vidéo (1) passe encore en ce moment en boucle sur le net où des habitants de la ville seraient entrain de manger du chat, et ce avec la bénédiction des imams, qui leur auraient conseillé de bouffer chats et chiens pour éviter de crever de faim.
Il a été démontré par A+B que cette cassette est un faux grossier, qu’elle n’a pas été tournée dans un quartier de combats, que les hommes qui sont filmés n’ont pas l’air d’être affamés ni même en désarroi.
Mais bien sûr ça fait du buzz, qui alimente toutes les peurs qui circulent aujourd’hui sur le monde (musulman ? le retour de l’infidèle ? Un truc éculé qui a quand même marché pour envoyer huit croisades raser le Moyen Orient, mais aussi massacrer les Albigeois et autres hérétiques !) Cette vidéo immonde surfe qui plus est sur l’émotion de la mémère à chat-chat qui comme chacun sait fait et défait les gouvernements des pays démocratiques.
Un de nos confrères a d’ailleurs justement remarqué que la vidéo a été mise en ligne le jour où le chat est roi aux USA, quand tout le pays se mobilise pour l’adoption des animaux abandonnés.
C’est énorme et plus c’est énorme plus ça marche.
Paul Valery a écrit que « La crédulité accouplée au mensonge engendrent l’opinion », il a raison mille fois par jour, en fait plus ce siècle fait de petits pas dans le temps, plus l’humanisme recule à grand pas.
Mais admettons même qu'un Damascème ait bouffé du chat ...ceci me ramène alors à ce qui se disait dans nos écoles et collèges à propos du siège de Paris lors de la guerre de 1870, quand les Parisiens ont vraiment « crevé la dalle ». Les boucheries avaient fait face comme elles pouvaient au manque de viande, les échoppes proposaient alors des « barbaques » très originales avec le prix au kilo. On a commencé par le Zoo de Vincennes et la viande d’éléphant, de singe, d’autruche se vendait fort cher et fort bien, puis on est passé aux animaux de compagnie, chiens, chats, perroquets ont été dévorés, et le rat commençait à se trouver sur les étals. Il est sûr que quand Napoléon III, surnommé « le petit » par Victor Hugo, a jeté l’éponge et filé au passage l’Alsace et la Lorraine aux Allemands, il était temps, Paris n’avait vraiment plus rien à claper… Qu’en pensait-on dans nos écoles, collèges, lycées ? Que les Parisiens étaient des assassins, des salauds, des tortionnaires d’animaux familiers ? Pas du tout, il est vrai qu’ils n’étaient pas de ces étranges pays du Levant… Ce que fait un Parisien désespéré et mourant de faim, devenant au passage une sorte de héros, un habitant de Damas devrait donc se l’interdire. Aurais-je, moi qui adore chiens et chats, je vis avec ces animaux depuis que j’ai sept ans, et aujourd’hui , comme le chantait Gabin, il y a plus de soixante coups qui ont sonné à l’horloge, aurais-je laissé crever mes enfants de faim en regardant mourir en même temps mes animaux, quand il n’y a pas à bouffer pour les uns, il n’y en a pas non plus pour les autres. Ou me serais-je dit à la fin que foutus pour foutus, autant que ces pauvres bêtes donnent quelques jours de répit aux gosses allant à la mort ? Je suis bien content de ne pas avoir été parisien en 1870, je suis bien content de ne pas être damascène aujourd’hui, et j’ai surtout honte de voir circuler sur le net, relayé par des millions de gogos, un truc aussi énorme que dégueulasse. J’ai vu dans mes voyages ce qu’est la faim, la vraie saloperie qui détruit un peuple. Et devant un enfant en train de crever, je n’ai plus les mêmes convictions. Bien sûr, il y a l’autre solution : tuer les gosses pour nourrir les chats… Tu vois lecteur que cette vidéo est une infamie !
(1) Vidéo que nous ne relaierons pas sur Micetto tant elle est immonde et écœurante.