Patrick Besson est un monsieur très important dans le journalisme français, une plume élégante qui a d’ailleurs couvert large, de l’Humanité au Figaro en passant par Marianne, et qui raconte, à l’occasion d’une de ses chroniques dans Le Point qu’il doit la vie à un chat.
Cela se passe en Iran, Besson affirme que l’on n’y aime pas les chats, (NDLR : peut-être d’ailleurs parce que l’on n’y aime pas (plus) non plus les Chahs, ou Shahs) en tous cas on y a peu de pitié pour les greffiers errants, ce qui est insupportable à nos yeux d’occidentaux dont le problème est le retard du TGV quand en Iran, personne ne bouffe plus à sa faim, personne n’est plus vraiment soigné non plus parce que les sanctions internationales tombées sur ce pays depuis que les barbus ont pris le pouvoir ont totalement étouffé le système. Du coup, qu’un chat ait faim ne préoccupe guère. J’ajoute que c’est d’autant plus désolant que l’on est en ancienne Perse et que justement, le chat Persan est une star mondiale chez les félinophiles.
Bref, Patrick Besson, ému par la détresse d’un matou abandonné dans une rue de Téhéran, lui a filé quasiment en douce (mot idiot d’ailleurs, il n’y a plus rien de doux dans ce pays…) le contenu de son assiette de poulet, qu’il est quand même, la pitié a ses limites, allé remplir de nouveau pour lui-même…
Le lendemain, en allant à l’aéroport, son auto est passée à 130 km/h à cinq centimètres d’une autre auto que son chauffeur n’avait pas vu.
Et de penser illico que le chat qu’il avait nourri la veille l’avait protégé. Je cite, parce que ne vole pas : « J'ai su que Dieu existait et que c'était un chat. Il m'avait protégé parce qu'il avait bien mangé. C'est une nouvelle religion, elle s'appelle le chatisme. Et c'est la bonne. Une chatte n'est-elle pas à l'origine du monde ? Dieu est un chat et, pour lui plaire, souris. »
Ce qui prouve un paquet de choses.
D’abord, que Patrick Besson a un énorme talent jubilatoire de l’écriture. En plus il rappelle le coup de la chatte à l’origine du monde, image sublime d‘ailleurs immortalisée par Gustave Courbet, et bien entendu poursuivie encore aujourd’hui de la haine de tous les culs-bénis de France et de Navarre, Courbet qui fût aussi un communard condamné à payer la colonne Vendôme qu’il avait contribué à mettre bas, c’est énorme ce qu’un talent peut mettre noir sur blanc en quelques mots…
Par ailleurs, le « pour lui plaire, souris » vaut presque le « se coucher tard nuit » de Devos… Bref, bravo cher confrère et c’est sincère.
Mais…
Mais si frôler une auto à cinq centimètres à 130km/h est en effet une occasion de mourir par chez nous, c’est d’ailleurs pour cela qu’en ville, aujourd’hui, en France, on roule à 30 et non à 130, c’est dans certains pays monnaie courante. J’y ajoute le klaxon bloqué en permanence sur la position « On »… Prenez un jour un taxi à Marrakech au coucher du soleil, c’est plus fréquent qu’un français lambda aille à Marrakech qu’à Téhéran, et si vous êtes de ceux qui croient en la protection divine des chats, des idoles, des dieux ou des gri-gri de tous poils, prenez en un max en réserve car ce plan là, le croisement à 130km/h et à 5 cm, c’est cent fois dans la soirée !
J’ajoute, par déférence pour mon métier de journaliste des sports mécaniques qu’en GP moto, on s’accroche à près de 300 à l’heure et que je n’ai jamais vu un pilote remercier un chat sur le podium mais je m’égare…
Bref, finalement, ce dont manque peut-être un peu Patrick Besson, c’est de vécu, affirmation outrancière car il a entendu pour de vrai siffler les balles et les obus à lui raser les tiffs. Donc, reste le talent. Et un petit chat téhéranais qui est un dieu et qui ne le sait pas, c’est con la vie quand même !