Un de mes jeunes confrères Brice Théâte, très jeune même, il est encore étudiant en journalisme, s’est livré à un exercice de style assez bien tourné, un peu à la manière des écoles d’avocats de la Grèce Classique. Dans le très sérieux Nouvel Obs’, il s’est demandé si son chat ne serait pas de droite… C’est, précise t’il, un exercice intellectuel au second degré…
Les arguments du jeune confrère sont la xénophobie du chat, son envie de rester tranquille, sa détestation du changement, son anti-progressisme, son amour d’horaires quotidiens réglés comme du papier à musique, son nationalisme, voire son caractère réactionnaire.
N’aimant pas le changement, son chat aurait donc détesté quelqu’un se faisant élire sur le slogan « le changement, c’est maintenant »…
Dont acte, cher Brice.
Mais… dans la Grèce Classique, lors de l’examen final, on demandait au jeune avocat impétrant, immédiatement après sa plaidoirie, de démontrer exactement l’inverse…
Je me sens très classique et très grec en ce moment, par solidarité avec ce peuple, cette culture et ce pays que les truands qui nous servent de banquiers et de dirigeants européens (anglo-saxons de préférence) ont décidé de rayer de la carte et de l’histoire.
Et en conséquence, je vais contrer.
Donc, mes chats ne sont pas de droite…
Et oui lecteur, tu t’attendais à ce que je dise « Mes chats sont de gauche » !
Nenni. Le contraire de « mes chats sont de droite » est bien « mes chats ne sont pas de droite » et pas du tout « mes chats sont de gauche »… ben oui, quand on argumente, il faut appeler un chat un chat ! … C’est peut-être là la première erreur de mon confrère.
De penser que parce qu’il est de droite, son chat n’aurait pas voté pour qui manie si bien l’anaphore (moi, président…) en campagne…
Il aurait donc voté pour l’autre ? Non.
Pour une raison simple, le petit rageur et l’(ex)- gros beau parleur n’avaient que ce mot à la bouche, le changement… la réforme de ceci ou de cela…
Donc un chat qui n’aime pas le changement n’eût voté ni pour l’un ni pour l’autre. Tout le monde se lançait le changement, fait ou à faire, à la figure !
D’ailleurs, même le génie de la Bastille et la (fausse) rigolote de la Trinité ne parlaient que de ça, eux aussi… Tout changer. La révolution. Rouge ou noire.
Un chat est un solitaire, les défilés c’est pas son genre, les beaux discours ça fait trop de bruit, les crânes rasés il déteste ça, et en plus, il ignore deux trucs fondamentaux qui sont le terreau de la « fille de », la haine et la peur.
Donc l(m)es chats ne sont pas non plus d’extrême droite ou d’extrême gauche.
Mais en plus, le changement, ils adorent ça les greffiers. Lâchez-les dans un univers inconnu, ils vont y aller petit à petit, hument l’air, les couleurs, les odeurs, le vent, se laissent surprendre par une herbe inconnue, un meuble jamais vu, ils s’arrêtent même pour contempler. Puis seulement, ils prennent possession des lieux. Il y a deux façons d’aimer le changement. La leur est sereine. I have a dream… la sérénité chez les hommes… Mais ça chez nous, c’est tout de suite balle dans la tête… les chats sont finalement beaucoup moins cons que nous mais cela n’en fait pas des chats de droite !
Que reste t’il alors ?
Le centre ? Mais c’est quoi le centre ? On s’en fout du centre, on parle de droite ou pas de droite. Et au centre ils sont les deux. Enfin, plutôt de droite mais il n’y a pas de chats du centre, problème réglé… Un chat c’est « perché », c’est « botté », c’est « huant », c’est « noir », c’est belge quand c’est du Geluck mais un chat du centre c’est inexistant.
Il reste donc une seule idéologie, la pêche à la ligne, qui est l’opinion favorite des sept pour cent d’électeurs qui à chaque scrutin, font pencher la décision d’un côté ou de l’autre, c’est hélas la limite de la démocratie, ceux qui choisissent nos présidents sont malheureusement ceux qui s’en foutent totalement et qui ne savent pas pour qui voter en entrant dans l’isoloir…
Mais cela dit, la pêche à la ligne, ça peut intéresser un chat. L’animal adore le poisson ! Il n’a d’ailleurs n’a pas besoin de canne, j’ai vu aux USA un Puma qui pêchait, et il faisait ça superbement. Ses petits frères européens domestiques manquent juste de pratique…
Mais bon, un chat qui pêche, c’est un nom pour une rue de Paris ou une ancienne boîte de jazz géniale à St Germain des Prés mais ça ne fait pas une philosophie de chat…
Mon confrère évoque aussi la xénophobie…
Moi, mes chats, ils adorent les chiens, ceux qui sont gentils comme eux, les gros qui risquent de les écraser en jouant mais ils se marrent à se barrer au dernier moment. Bref, mes chats ne sont pas xénophobes, ils n’aiment pas les chiens ou les chats qui sont des cons, c’est différent. Je dois être un peu chat finalement… Donc pas xénophobes.
Les chats du confrère sont nationalistes dit-il car ils limitent et défendent très fort leur territoire.
Il est en effet d’usage, chez les chats sauvages, Lynx, Puma, Cougar et autres Ocelots de démarquer leur « chez eux » de petits jets d’urine et d’autres odeurs leur appartenant. Mais il s’agit ici de chats domestiques. Dont le territoire ainsi délimité est leur caisse à merde. Alors, si être nationaliste c’est défendre ses chiottes, il y a quand même des tas de mecs qui ont écrit des livres pour rien, et aussi malheureusement des millions de malheureux qui sont morts pour rien… Fausse route confrère…
Autre argument alors, le chat de notre ami aime roupiller peinard et serait donc limite réac…
Mais faudrait savoir ! A droite, on dit que ce sont les chômeurs qui roupillent au lieu de chercher du boulot, à gauche on dit que ce sont les millions des patrons qui roupillent aux Bahamas.
Roupiller peinard n’est donc ni de droite ni de gauche.
Je continue l’anti-démonstration au deuxième degré.
Le chat est paraît-il est anti-progressiste. Donc de droite.
Quand le progrès signifie que les usines (et les bénefs, et les emplois) partent en Inde, pas sûr que ce soit vraiment de gauche le progrès… Par ailleurs, je ne vois pas en quoi un chat est contre le progrès, le vrai ou celui des voleurs d’âme, il a envie de se marrer, de bouffer, de pioncer mais de progrès ? On passe donc à autre chose.
Le chat aimerait les repas à heures fixes ? Nuance, le chat aime les repas quand il a faim. Les horaires, ce sont les vétos, et ensuite les maîtres qui les fixent. Quant à avoir faim, ce n’est pas un truc de droite ou de gauche, c’est un truc de pauvre…
Bref, et en restant au second degré, nous venons de démontrer avec mes clients chats qui ne sont pas de droite qu’ils ne sont pas de droite.
CQFD ?
Cher confrère, à l’instar d’un célèbre personnage de théâtre avec un grand nez, je voudrais ajouter une sorte de « Ah non, c’est un peu court jeune homme ! »
Dans la définition de la droite par exemple, vous avez omis (volontairement ? Si jeune et déjà de mauvaise foi ?) quelques aspects importants, comme le fait d’être bégueule et pour l’ordre moral au point de faire des heures d’autocar pour aller conspuer des garçons et des filles qui connaissent ensemble ce que des peine-à-jouir n’imaginent même pas, le plaisir…
Bon, mes chats qui ne sont pas de droite, l’homosexualité, ils s’en foutent un peu, et même, comme ils sont souvent castrés et les femelles stérilisées, ils s’en contrefoutent carrément !
Cela dit, mes chats mâles se lèchent entre eux, et ils semblent qu’ils aiment bien ça… Ils pourraient donc être le contraire des bien-pensants mais je n’insisterai pas.
Mon cher confrère a omis aussi d’autres à priori (absurdes tss…tss…) comme le fait qu’à droite, on ne pense qu’à sa gueule et que la générosité, l’humanitaire, le partage, le don de soi, soient des trucs de riches mal dans leur peau…
Que les chats ne pensent qu’à eux, d’accord, mais en quoi cela est-il de droite ? La preuve, il y a à droite des gens très généreux ! Quand par exemple ils corrompent un maire pour obtenir un permis de construire ou quand il s’agit de puiser dans les caisses de leur boîte ou de celles des retraitées les plus riches de France pour soutenir leurs potes aux élections…
Parallèlement, il y a à gauche des gens qui ne sont pas généreux, justement parce qu’ils sont riches… Ou même parce qu’ils sont corrompus, bref on est complètement à côté de la plaque…
Argument non recevable, les chats ne sont toujours pas de droite.
On passe aux arguments sémantiques ?
Comment un chat pourrait il être gauche alors qu’il incroyablement agile et adroit ? Adroit d’accord, pas à droite.
Que reste t-il alors ?
Un truc beaucoup plus important que la droite et la gauche, le confort… Montand disait je crois qu’il préférait un communiste en Rolls qu’un fasciste en tank. Il devait être un peu chat lui aussi…
Et il n’était pas de droite…