J’ai personnellement trois chats, que j’emmène de temps en temps dans ma maisonnette en Bretagne Sud. C’est une rue assez campagnarde, avec des jardins partout. Quand on a lâché pour la première fois ces greffiers très citadins, on s’est dit qu’on ne les reverrait plus, mais bon, les laisser enfermés eût été de la dernière cruauté. Et miracle, à l’heure de la bouffe, à peine besoin de faire tinter les gamelles, tout le monde arrivé à toutes pompes… Et la question… Mais qu’est ce qu’ils ont bien pu foutre de la journée ? Où sont ils allés ? Loin ? Chaque jour, le scénario s’est rejoué de la même façon.
Un jour, un autre chat est venu dans mon jardin pendant l’absence des autres. Il connaissait manifestement très bien le coin, les trous dans la clôture pour venir ou s’en aller, il est venu flairer la maison, est entré dedans, elle était ouverte, a trouvé l’écuelle d’eau des chats et s’est jeté dessus. Quand les autres sont revenus, ça a bardé sévère et l’intrus est reparti. Bien entendu, le lendemain, rebelote… ce qui est donc sûr c’est que les chats bougent et qu’ils ont leurs habitudes… Et qu’ils n’aiment pas qu’on vienne sur leur terrain perso…
Restait à étudier scientifiquement le truc pour savoir ce que fait un chat domestique, appartenant à une maison en quelque sorte, quand il est laissé en liberté en zone mi-urbaine…
Ce sont évidemment les angliches qui ont fait l’expérience, ce pays ne détient pas le record du nombre de chats, cinq millions contre dix en France, mais Outre Manche, la BBC a prévu une émission spéciale sur le sujet.
Et du coup, il y a du très beau monde sur le coup, le Royal Veterinary College, les universités de Bristol et Lincoln se sont associés à la BBC TWO pour mener cette expérience en équipant une cinquantaine de chats dans un bled du Surrey, Shamley Green, de GPS mouchards, permettant de tracer leur itinéraire sur une carte, et de mini-caméras de surveillance, pour voir ce qui les intéresse…
Bilan… je le savais déjà, tous les proprios de chats qui ont le droit de gambader un peu le savent, les chats ne roupillent pas toute la journée en attendant la bouffe du soir…
Mais, c’est aussi une évidence, ils n’ont pas tous les mêmes occupations. Bref, pas d’organisation en meute, chacun pour sa gueule.
Il y a en qui cherchent la bagarre, que nous appellerons donc les chats voyous, mais en général, ils évitent les zones de conflits, quitte même à faire des détours quand ils savent que quelque part, il y a un matou vilain.
Un chat sait donc être prudent.
Ils ont d’ailleurs en général un sens très aigu du territoire, qu’ils défendent volontiers contre un intrus, un chat est peu partageux. L’abbé Pierre, c’est pas leur truc.
Leur rayon d’action est faible, entre 50 et 200 mètres de la maison dont ils dépendent. Ce point est important car fatalement, un jour, tout le monde perd un chat. Panique à bord, car on sait que ça se planque facilement, on appelle la famille pour organiser la battue, on appelle les voisins, parfois la police ou les pompiers, on est à la campagne et les services officiels sont souvent plus disponibles, en tous cas tout le monde se connaît, on se lamente telles les Pietà éplorées de Michel Ange, si le tocsin existait encore on le ferait donner, on ne trouve rien et puis… le chat revient tout seul, au moment où il en a envie, en général quand il a faim.
En revanche, cela ne l’empêche pas, s’il trouve de la bouffe ailleurs que chez lui, de repérer le chemin…
Et puis, il y a les petits amusements. On sait que quand ils peuvent attraper un piaf, ils ne s’en privent pas. Un mulot, idem. Mais on a filmé un chat, Sutty, dont le grand plaisir quotidien est d’aller débusquer un renard, animal qui pourrait le mordre de façon cruelle, mais ça le chat ne le sait pas, ce que sait goupil en revanche c’est qu’un intrus c’est le début des ennuis et il se casse…
Bilan ?
Les chats semi-campagnards sont très actifs, ont un sens assez pointu de la sécurité, sont curieux, mais surtout ils sont casaniers.
La conclusion de l’enquête ? Les scientifiques ont remarqué que « les chats se partageaient le territoire dans le temps pour éviter les confrontations avec leurs voisins félins et qu’ils visitaient leurs maisons respectives. Les séquences vidéo ont néanmoins relevé la persistance de certaines querelles de territoires ».
J’ajoute que ne jamais aller plus loin que deux cent mètres de chez soi, c’est pas comme ça qu’un chat aurait pu découvrit l’Amérique mais en même temps ce n’est pas ce qu’on leur demande…
Inutile donc en espérant qu’il vous rapporte l’Eldorado, d’appeler votre chat Christophe (alias Cristoforo dans sa propre langue ou Cristobal chez ses employeurs…), Vasco ou Amerigo, ou Stanley, ou Hillary, Marco ou Polo, sauf qu’en fait ce sont de très jolis noms et que ça leur va bien. J’en ai un à qui le nom Cendrars irait très bien, ou encore Kessel, ou enfin Conrad, c’est l’avantage avec les chats, on peut changer leurs noms car sur ce point, ils ne se sentent pas du tout proprios !
Bon, il ya une question que l’on se pose forcément à la lecture de ceci : les chats testés sont ils castrés ? Il n’est jamais fait aucune allusion à un rapport avec la chatte du voisin, c’est un « clew », comme dit Sherlock Holmes, un indice. Sérieux, mais « only a clew ». (On prononce clou). Le fait que les chats (tous mâles) n’aient pas dépassé la limite des deux cent mètres est un autre « clew ». Il est bien connu, dans toutes nos sociétés, qu’il est plus facile de trouver de la bouffe que des femelles…( à moins de carmer mais les chats sont beaucoup trop intelligents pour avoir créé cette idiotie humaine qu’ est l’argent !)