On connaît les montagnes Russes, les poupées russes, la révolution russe, le Depardieu russe, les entraîneuses russes qui peuplent les boîtes de nuit chics, les cabarets russes, les Russes blancs… Mais le chat russe ?
L’histoire est récente, elle a quelques jours. A part le superbe Bleu Russe, il y a au moins un chat russe qui est célèbre, car il est probablement le seul qui résiste à cet empire renaissant, dirigé par un ancien du KGB, où le sourire est obligatoire sur les photos mais les camps pénitentiaires en Sibérie toujours pleins.
Nous sommes donc à Komi, dans l’extrême nord du pays, où les noms peuvent faire rêver mais la carte fait peur, on est entre l'oblast d'Arkhangelsk à l’ouest, la Nénétsie au nord, les districts autonomes des Iamalo-Nénètses et des Khantys-Mansis à l’est et, les oblasts de Kirov et de Sverdlovsk et le krai de Perm au sud.
Il y a donc à Komi, en zone quasi-arctique, un camp de détenus.
C’est terrifiant d’imaginer que depuis la nuit des temps, sous les tsars, sous le régime de l’URSS et aujourd’hui sous celui de la Russie, on envoie les prisonniers dans cette région infestée de moustiques l’été et où il fait moins trente l’hiver.
Et pourtant l’on constate, élection après élection, que les Russes sont extrêmement contents de cette situation.
J’ai discuté l’an dernier avec des universitaires russes qui m’ont expliqué que justement, depuis la nuit des temps, les Russes n’avaient jamais su une seule seconde ce qu’était la liberté et avaient crevé de faim pendant des milliers d’années. La différence, qui explique ces étonnants résultats électoraux, c’est que maintenant, les Russes ont à bouffer.
Ce qui nous éloigne du chat…
Pas tellement car, il y a encore des Russes qui ont envie de liberté, qui vont en tôle pour de bien mauvaises raisons, et aussi des Russes qui sont des voyous, ceux-là sont logiquement condamnés à l’incarcération.
Et ces Russes sont dans les camps, à l’image de celui de Komi.
Ils n’ont évidemment rien, et surtout pas de liens avec l’extérieur, il faut dire que s’ils sont moscovites, ils sont juste à 1500 bornes de chez eux…
Alors, à l’extérieur, comme on a une longue habitude de l’aide (tarifée…) aux prisonniers, on a trouvé un truc génial pour leur apporter ce qui leur manque.
Un chat !
Il porte sur le dos, collés par un gros scotch, des téléphones portables ! Il grimpe sans aucune difficulté les murs du camp, qui peuvent être en rondins, il est d’une discrétion absolue, essayez donc d’entendre un chat qui marche, même un indien fait plus de bruit, il se glisse entre les barreaux, sait attendre au coin d’un mur que l’argousin de service tourne le dos, bref, le passeur idéal…
Mais voilà, il s’est fait piquer par les lardus du pénitencier et l’on a fièrement montré la bête tenue par le cou, un chat ça griffe même un argousin slave, avec encore son chargement sur le dos.
On ne sait pas ce qu’est devenu le malheureux greffier, mais après, sa vie n’a pas dû être marrante.
Bien sûr, l’idée est géniale. Sauf pour le chat qui ne sait pas que ce qu’il fait est illégal, et qui ne comprend pas qu’on lui fasse subir au minimum de grosses humiliations. Après tout, pendant la guerre, les Russes ont aussi dressé des chiens à se jeter sous les panzers allemands avec des grenades sur le dos… Dans un pays violent, dans une histoire aussi terriblement violente que cette guerre qui a coûté vingt millions de morts aux Russes, la vie d’un animal n’était pas essentielle, elle ne l’est toujours pas aujourd’hui. Mais ce qui m’étonne, moi, c’est qu’il apporte des téléphones. La Russie a vraiment changé !
NB : En illustration photo du coupable communiquée par l'administration penitentiaire russe.